Histoire de France
famille pour rejoindre Bouillé à Montmédy. Reconnu à Varennes, le roi fut arrêté et ramené à Paris.
Cette fuite avait été bien mal calculée. Bouillé était à peine sûr de ses troupes, travaillées par les Jacobins qui le haïssaient et le soupçonnaient. Si Louis XVI avait voulu sortir de France, émigrer comme Monsieur – le futur Louis XVIII, – qui gagna sans encombre la Belgique, il aurait pu échapper aisément. Revenu à Paris, plus que jamais prisonnier, il lui restait la ressource d’abdiquer, de sauver sa tête en renonçant au trône. Cette idée ne lui vint à aucun moment ; un roi de France n’abdiquait pas. Ni Charles VII ni Henri III, dans des circonstances peut-être pires, n’avaient abdiqué.
D’ailleurs l’épisode de Varennes avait eu pour effet de rendre Louis XVI plus précieux à ceux qu’on appelait les Constitutionnels. Sans roi, quelque réduit qu’ils eussent rendu le rôle de la royauté, la constitution qu’ils achevaient tombait par terre et ils tombaient avec elle. La fuite du roi avait accru l’audace des extrémistes qui demandaient la déchéance de Louis XVI. Si la monarchie disparaissait, ce serait le triomphe des plus violents. Les Constitutionnels, qui croyaient toucher au port et fermer l’ère des révolutions, craignirent une anarchie sans fin. Ils commencèrent aussi à redouter que l’extrême gauche, dont ils s’étaient jusque-là servis comme d’une avant-garde, fût victorieuse. Ils eurent donc plus d’égards pour la royauté, moins de complaisances pour la démagogie. Ce fut comme une halte de quelques mois, un essai de réaction contre le désordre, sans lendemain.
Le 15 juillet, la majorité de l’Assemblée avait décidé que, le roi étant inviolable, l’affaire de Varennes ne comportait pas de suites. Le 16, des Jacobins déposèrent au Champ-de Mars, sur l’autel de la patrie, une pétition qui réclamait la déchéance, et ils organisèrent contre l’Assemblée une manifestation que les meneurs se chargeaient de tourner en émeute. Cette fois, qui fut la seule, l’Assemblée tint tête. Elle proclama la loi martiale. La Fayette lui-même ordonna de tirer sur la foule qui refusait d’obéir aux sommations. Il y eut trois ou quatre cents morts et blessés à l’endroit même où l’on fraternisait un an plus tôt.
Ce jour-là, les meneurs tremblèrent et crurent bien la partie perdue pour eux. Encore un peu de vigueur et les démagogues rentraient sous terre. Ils furent rassurés quand ils virent que les Constitutionnels ne recherchaient pas les responsables, n’osaient même pas fermer le club des Jacobins qu’ils abandonnèrent pour en ouvrir un autre, celui des Feuillants. L’énergie des modérés s’était arrêtée après la fusillade du Champ-de-Mars et il est facile de comprendre pourquoi les membres de la droite, les émigrés eux-mêmes, vers lesquels les Constitutionnels se tournèrent alors, ne répondirent pas à leurs ouvertures : ces velléités de résistance ne donnaient confiance à personne. En effet, il ne demeura que six députés aux Jacobins, mais le club resta l’âme de la Révolution. Il fallait abattre l’extrême gauche ou en subir le joug. La gauche constitutionnelle, une fois séparée de l’extrême gauche sans l’avoir écrasée, n’eut pas plus de jours à vivre que sa constitution.
Il est donc inutile de s’arrêter à cette œuvre mort-née qui fut pourtant acceptée par Louis XVI et à laquelle il prêta serment. Ce serment, il le tint. Ceux qui avaient dans l’esprit de conduire la Révolution jusqu’au bout, c’est-à-dire de détruire la monarchie, devront trouver un autre prétexte pour la renverser.
Barnave avait dit au mois de juillet 1791 : « Si la Révolution fait un pas de plus, elle ne peut le faire sans danger. » Le 30 septembre, la Constituante tint sa dernière séance devant Louis XVI à qui le président Thouret adressa cette parole mémorable, monument des illusions humaines : « Sire, Votre Majesté a fini la Révolution. » Seul le premier acte en était fini. La Constituante, avant de se séparer, avait pris une résolution par laquelle le drame allait rebondir : elle avait décidé que ses membres ne seraient pas rééligibles. Étrange sacrifice, qu’on attribue au désintéressement, à une affectation de vertu, à de la naïveté, mais dont la raison véritable était sans doute que cette Assemblée, issue des états généraux où les
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