Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
Vom Netzwerk:
véritable révolution, beaucoup plus sérieuse que les déclarations de fraternité des peuples contre les tyrannies dont avait déjà retenti la Constituante. C’était pour la France un saut dans l’inconnu, gros de dangers, il suffisait de connaître un peu l’Europe et notre histoire pour pressentir un ébranlement du système européen constitué depuis un siècle et demi au profit de la France, un ébranlement dont les conséquences seraient encore plus irrésistibles que celles de la Révolution intérieure, car celle-là, un jour ou l’autre, trouverait des limites et son point d’arrêt dans la nature même de notre pays. Tout suggérait donc à Louis XVI, averti des choses d’Europe par son éducation, de s’opposer à cette aventure, de maintenir le contact avec l’Autriche, de s’unir à elle pour conserver l’équilibre européen : de là l’idée, à laquelle le roi s’attachait comme à une dernière ressource, d’un congrès où la situation générale serait « aminée, congrès où l’Autriche égoïste espérait bien recueillir quelque profit et dont le projet ne tarda pas à être imputé à Louis XVI comme une trahison.
    Les quelques mois pendant lesquels les Girondins, par une opiniâtre volonté, firent triompher le parti de la guerre sont décisifs dans notre histoire. Nous en supportons encore les effets. La condition des Français en a été changée dans la mesure où l’a été le rapport des forces européennes, où notre sécurité, acquise péniblement, a été compromise. Ce que la Révolution avait valu aux Français, son reflux lointain le leur enlèverait par morceaux. Ses frontières naturelles, un moment conquises, seraient reperdues. La liberté individuelle serait réduite un jour par la servitude militaire. L’impôt, sous sa forme si longtemps odieuse, la forme personnelle renaîtrait, ayant changé le nom de taille pour celui d’impôt sur le revenu. Ce cercle ouvert en 1792 s’est refermé sous les yeux de la génération présente et à ses frais.
    Mirabeau avait aperçu, il avait prophétisé à la Constituante que notre âge serait celui de guerres « plus ambitieuses, plus barbares » que les autres. Il redoutait le cosmopolitisme des hommes de la Révolution, qui tendait à désarmer la France ; leur esprit de propagande qui tendait à la lancer dans les aventures extérieures ; leur ignorance de la politique internationale qui les jetterait tête baissée dans un conflit avec toute l’Europe ; leurs illusions sur les autres et sur eux-mêmes, car, s’imaginant partir pour une croisade, ils confondraient vite l’affranchissement et la conquête et provoqueraient la coalition des peuples, pire que celle des rois. Mirabeau avait vu juste. Brissot, le diplomate de la Gironde, payait l’Assemblée de paroles. Il comptait que les nations refuseraient de Combattre la France révolutionnaire. Il assurait que la Hongrie était prête à se soulever contre les Habsbourg, que le roi de Prusse n’avait pas d’argent pour la guerre, que le sentiment de la nation anglaise sur la Révolution n’était pas douteux », qu’elle « l’aimait » et que le gouvernement britannique avait « tout à craindre, impossibilité d’acquitter sa dette, perte de ses possessions des Indes…» Moins d’un an après la déclaration de guerre à l’Autriche, l’Angleterre entrait, dans la lutte, et cette guerre, la grande la vraie, qui recommençait dans les conditions les plus défavorables pour nous elle continuerait encore quand la Révolution serait déjà arrêtée.
    Il régnait alors en France une extrême confusion dans les idées, les sentiments, le vocabulaire. Les « patriotes » étaient ceux qui prêchaient la guerre aux tyrans pour l’amour de l’humanité et qui, en même temps, provoquaient l’indiscipline et encourageaient les soldats mutins. On proclamait à la fois le désintéressement de la France et le droit naturel de réunir à la nation les populations affranchies. Lorsque le Comtat et Avignon, terres du Pape, s’étaient soulevés la Constituante avait hésité à les accueillir, parce que les annexions et les conquêtes étaient contraires à ses principes. Ces scrupules furent vaincus par des hommes de gauche qui demandèrent si la Révolution refuserait d’achever la France et si elle serait plus timide que la monarchie. Cette idée, la vieille idée des frontières naturelles, de l’achèvement du territoire, continuait

Weitere Kostenlose Bücher