Histoire de France
à Senlis pour l’élection définitive. Adalbéron soutint que Charles de Lorraine n’avait pas de droits au trône pour diverses raisons dont la plus importante fut qu’il était vassal du roi de Germanie. Ainsi Hugues Capet fut élu en qualité de prince national (987).
Car ce fut bien une élection. Hugues s’était assuré les voix et Adalbéron l’avait présenté comme le candidat le meilleur, celui qui serait le « défenseur de la chose publique et des choses privées ». Hugues ne négligea aucune chance, aucun argument, aucun moyen. Il y avait d’ailleurs une centaine d’années que la couronne était devenue élective, non seulement en France mais en Lotharingie, en Italie, et en Allemagne où elle devait le rester : on avait acquis la pratique de ces élections. Cependant celle de Hugues fut loin d’être unanime. Plusieurs des grands feudataires, les comtes de Flandres, de Troyes, de Toulouse, le duc d’Aquitaine et quelques archevêques ne la reconnurent pas. Il était clair que la nouvelle dynastie aurait de longues luttes à soutenir avant de reconstituer l’unité du royaume.
Née du régime féodal, la royauté capétienne en avait le faible et le fort. Le faible, c’était que la France restait divisée en souverainetés multiples. Le fort, c’était que les Capétiens ducs héréditaires dans les domaines de l’lle-de-France, suzerains dans le Maine, la Touraine, l’Anjou, étaient solidement installés au cœur du pays. Ils n’auraient plus qu’à s’affranchir de l’élection pour s’étendre et se développer, ce qui se fit de la manière la plus simple du monde. Hugues Capet ayant tout de suite associé au trône son fils aîné, l’élection du successeur eut lieu du vivant du roi. Elle ne fut plus qu’un simulacre qui ne comportait aucun risque. Il avait donc fallu plus de cinq cents ans pour que l’usage absurde des partages fût abandonné et il fallut encore de longues années avant que le principe héréditaire triomphât tout à fait du principe électif. La succession de mâle en mâle par ordre de primogéniture, conquête inaperçue des contemporains, allait permettre de refaire la France.
Le bon sens des Capétiens, qui devait être, à de rares exceptions près, la qualité dominante de leur race, ne serait pas moins utile à cette œuvre de longue haleine. Rendre service : c’était la devise de la maison depuis Robert le Fort. Avancer pas à pas, prudemment, consolider chaque progrès, compter les deniers, se garder des ambitions excessives, des entreprises chimériques, ce fut son autre trait, avec un sentiment d’honorabilité bourgeoise plus que princière et le goût de l’administration. La France sensée, équilibrée, se reconnut dans cette famille qui aimait son métier et qui avait le don de s’instruire par l’expérience. Il semble que les Capétiens aient eu devant les yeux les fautes de leurs prédécesseurs pour ne pas les recommencer. Les descendants de Charlemagne, de Charles le Chauve à Lothaire, s’étaient épuisés à reconstituer l’Empire. Ce fut également la manie des empereurs germaniques. Les Capétiens étaient des réalistes. Ils se rendaient un compte exact de leurs forces. Ils se gardèrent à leurs débuts d’inquiéter personne.
La race de Hugues Capet, après avoir mis trois générations à prendre la couronne, régnera pendant huit siècles. L’avenir de la France est assuré par l’avènement de la monarchie nationale. À cette date de 987, véritablement la plus importante de notre histoire, il y a déjà plus de mille ans que César a conquis la Gaule. Entre la conquête romaine et la fondation de la monarchie française, il s’est écoulé plus de temps, il s’est passé peut-être plus d’événements que de 987 à nos jours. Au cours de ces mille années, nous avons vu que la France a failli plusieurs fois disparaître. Comme il s’en est fallu de peu que nous ne fussions pas Français !
La nouvelle dynastie était elle-même bien fragile : quand Hugues mourut, il venait tout juste de faire reconnaître son titre de roi par les grands feudataires, titre qui ne lui donnait sur eux qu’une supériorité morale. Il avait même dû défendre son domaine contre ses voisins. Ces guerres de province à province et de clocher à clocher étaient une des désolations de l’anarchie féodale. Au comte de Périgord qui s’était emparé de sa ville de Tours, Hugues ayant fait demander par un
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