Histoire de France
Laffitte et le parti du mouvement étaient usés, cédaient la place à Casimir Perier et au parti de la résistance. La nouvelle monarchie avait maintenu la paix à l’extérieur. Au-dedans, elle revenait à l’ordre. Ce ne fut pas sans peine ni sans de vigilantes secousses. L’émeute, frustrée de sa victoire sur Charles X, se réveilla plusieurs fois. La rupture avec les formes et les signes de l’ancienne monarchie, attestée par le nom de Louis-Philippe Ier qu’avait pris le souverain au lieu de celui de Philippe VII que les doctrinaires lui conseillaient, bien d’autres détails destinés à donner l’impression que cette monarchie des Bourbons de la branche cadette ne ressemblait pas à celle des Bourbons de la branche aînée, de multiples concessions à l’opinion libérale et anticléricale n’avaient pas suffi. Aux pillages d’églises, au sac de l’archevêché, avaient succédé des insurrections véritables. Le feu de 1830 n’était pas éteint. L’enterrement du général Lamarque fut pour les républicains et les bonapartistes, toujours réunis, l’occasion d’une prise d’armes. Presque en même temps, la duchesse de Berry avait essayé de soulever la Vendée : les légitimistes étaient aussi irréconciliables que les révolutionnaires. À Lyon, une première insurrection, de caractère socialiste, avait été réprimée. Une autre, beaucoup plus grave, éclata en 1834, fut écrasée à son tour, non sans un vif retentissement à Paris, où la Société des Droits de l’homme souleva ses adhérents. On vit alors ce qui devait se reproduire aux journées de juin et sous la Commune : la colère de la bourgeoisie menacée, la fureur de la garde nationale qui, jointe à l’armée régulière, ne fit aucun quartier. Les insurgés furent abattus comme des malfaiteurs.
Le « massacre de la rue Transnonain », dont le souvenir est resté longtemps, annonçait des guerres sociales où la classe moyenne se défendrait avec énergie. Cette réaction, violente et spontanée, ne fut pas sans influence sur la monarchie de Juillet. Le régime aussi se défendit, s’éloigna de plus en plus de ses origines révolutionnaires, de même que les bourgeois français, malgré leurs opinions libérales, avaient montré leur aversion pour le désordre. La monarchie de juillet se mit alors à poursuivre les républicains, à punir leurs complots, comme sous Louis XVIII. En 1835, l’attentat manqué de Fieschi contre le roi justifia de nouvelles mesures de répression. Comme après l’assassinat du duc de Berry, la liberté de la presse fut limitée.
Cependant cette bourgeoisie résolue à se défendre était elle-même indisciplinée. Les Chambres qu’elle élisait, qui ne représentaient que les riches, n’étaient pas plus raisonnables que celles de la Restauration. La bataille des ambitions et des partis, la fronde contre le pouvoir y furent ce qu’elles avaient été. Parlant plus tard de 1848, Sainte-Beuve écrivait : « Il resterait toujours à examiner si la catastrophe n’a pas été provoquée par ces luttes obstinées et retentissantes à l’intérieur d’une Chambre dont les portes s’ébranlaient sans vouloir s’ouvrir ni même s’entrouvrir. » Le produit du suffrage censitaire, d’un suffrage restreint qui ne voulait rien céder de son privilège d’argent, c’étaient surtout des rivalités de personnes, d’âpres conflits pour la conquête du ministère. En quelques années, les hommes se succédèrent, ambitieux de briller : Broglie après Guizot, Thiers après Broglie, tous ceux qui avaient contribué à la chute de l’autre monarchie parce qu’ils n’y trouvaient pas leur place assez belle, qui avaient donné pour devise et mis comme condition à la monarchie nouvelle : « Le roi règne et ne gouverne pas. » Après six ans de cette instabilité dangereuse, Louis-Philippe entreprit de corriger les effets du régime parlementaire et de gouverner lui-même par des hommes de confiance. La dernière expérience d’un Cabinet désigné par la majorité fut celle de Thiers en 1836. Converti à l’idée de la conservation non seulement en France, mais en Europe, Thiers tenta avec l’Autriche un rapprochement qui devait être couronné par le mariage du duc d’Orléans avec une archiduchesse. Le refus de la Cour de Vienne fut pour Thiers comme un échec personnel qui le rejeta vers le libéralisme. Changeant de fond en comble sa politique, il était prêt à
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