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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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Empire, ce serait « pour plus tard ».

Chapitre 19 La Monarchie de juillet
    Une des plus grandes illusions qu’on puisse avoir en politique, c’est de croire qu’on a bâti pour l’éternité. Les hommes qui avaient appelé au trône un Bourbon de la branche cadette étaient convaincus qu’ils avaient trouvé la solution idéale. Qui était le duc d’Orléans ? Le fils de Philippe-Égalité. Son père était un régicide. Lui-même avait combattu à Jemmapes. Il réconciliait dans sa personne la Révolution et l’ancien régime, le passé et le présent. On crut avoir touché au port. Un historien goûté des classes moyennes, Augustin Thierry, écrivit un ouvrage où il démontrait que toute l’histoire de France n’avait tendu qu’à l’avènement de cette royauté bourgeoise.
    La monarchie de juillet portait en elle-même une grande faiblesse. Elle était née sur les barricades. Elle était sortie d’une émeute tournée en révolution. Et cette révolution avait été soustraite à ceux qui l’avaient faite par des hommes politiques qui n’avaient pas paru dans la bagarre, qui en avaient même horreur, mais qui, tenant une combinaison toute prête, avaient profité des événements pour l’imposer. Cette combinaison était artificielle. L’émeute avait éclaté à Paris et s’il était entendu, depuis 1789, que Paris donnait le ton à la France, la grande masse du pays était restée étrangère au renversement de Charles X autant qu’à la fondation du régime nouveau. Quant aux libéraux qui avaient substitué le duc d’Orléans au souverain détrôné, ils représentaient le « pays légal », les électeurs censitaires, c’est-à-dire deux cent milliers de personnes en tout. Il allait donc se produire ceci : les vainqueurs des journées de juillet, républicains et bonapartistes unis, seraient déçus et il resterait des possibilités d’agitation et d’émeute. D’autre part, la Charte de 1814, légèrement remaniée, étant considérée comme la vérité définitive, le régime restait fidèle au système qui n’accordait le droit de suffrage qu’aux riches. Louis-Philippe, ne pouvant se réclamer de la légitimité comme Louis XVIII, ne s’appuyait pas non plus sur le plébiscite comme Napoléon. C’est le point essentiel pour l’éclaircissement de ce qui va suivre, car c’est sur la question du droit de suffrage que la monarchie de juillet, au bout de dix-huit ans, est tombée.
    Les théories sont changeantes et il paraît surprenant que d’authentiques libéraux aient été aussi obstinément hostiles au suffrage universel. En général, cette hostilité est attribuée à un esprit de méfiance et de crainte à l’égard des masses populaires, à l’idée que des électeurs bourgeois, des « citoyens qui possèdent », sont plus conservateurs que les autres. Cette opinion était sans doute en faveur chez ceux qui considéraient le suffrage universel comme une force révolutionnaire, et le suffrage restreint comme un moindre mal, en quoi ils se trompaient beaucoup. Il est surprenant qu’après l’expérience orageuse du système parlementaire sous la Restauration, un esprit aussi pénétrant que celui de Louis XVIII, un caractère entreprenant et même aventureux comme celui de Charles X, une intelligence aussi subtile que celle de Louis-Philippe, n’aient pas discerné cette erreur. Mais les libéraux raisonnaient autrement et, à leur point de vue, ils raisonnaient mieux. Le suffrage universel leur apparaissait comme un poids immobile, sinon comme une force rétrograde. Ils étaient dans les mêmes sentiments que les Constituants de 1790 qui avaient divisé les Français en citoyens actifs, ceux qui votaient, et en citoyens passifs, indignes de voter par leur condition. Robespierre lui-même avait refusé le droit de suffrage aux « domestiques », de manière à écarter surtout les salariés agricoles. Or, la France était en grande majorité rurale. Il semblait impossible aux libéraux de conduire une politique neuve, hardie, généreuse avec ce peuple de terriens, nécessairement attachés à leurs intérêts matériels, bornés à l’horizon de leur village. Pour comprendre et pour aimer le progrès, pour pratiquer le régime de discussion, il fallait des hommes affranchis des préoccupations vulgaires de la vie, inaccessibles aux considérations mesquines comme aux influences que subissent les ignorants et les besogneux. On ne vote selon des

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