Histoire de France
contre une Assemblée monarchiste pour lui enlever le bénéfice de la réaction, exécutée avec l’aide de l’armée et précédée d’avances aux démocrates à qui le Prince Président promit une amnistie et le rétablissement du suffrage universel.
Les invectives dont les républicains ont couvert le 2 décembre font oublier que l’Assemblée qui fut chassée par la force et dont les membres furent arrêtés pour la plupart était une Assemblée monarchiste. S’il n’y avait eu le règne de Napoléon III, il aurait dû y avoir celui d’Henri V ou de Louis-Philippe II. À lire les Châtiments de Victor Hugo et l’Histoire d’un Crime, on croirait que le Prince Président a étranglé la République. À la vérité, il étouffait une monarchie au berceau. Seulement cette monarchie eût été représentative, tandis que le coup d’État établissait la dictature et supprimait le régime parlementaire. Dans des conditions au fond assez peu différentes de celles du 18 brumaire, le neveu du Premier Consul se substituait à la royauté dont le retour était seulement un peu plus probable en 1851 qu’en 1799. Mais que désirait la France ? Ce que l’Assemblée avait été incapable d’établir sur des bases solides : l’autorité et l’ordre. Le peuple français les reçut de Louis-Napoléon Bonaparte qui les lui apportait. Le coup d’État du 2 décembre, organisé de l’intérieur, exécuté dans les circonstances les plus favorables, ne rencontra donc qu’une faible résistance, celle de la minorité républicaine du pays. Encore cette minorité était-elle affaiblie par la rancune des ouvriers qui, se souvenant des journées de Juin, ne mirent qu’une médiocre ardeur à défendre une République qui ne subsistait plus que de nom. Le député Baudin se fit vainement tuer sur une barricade du faubourg Saint-Antoine. La tentative d’insurrection qui eut lieu à Paris fut arrêtée en trois jours. Plus on allait et plus les mesures contre la guerre des rues étaient sévères et méthodiques. Le pouvoir n’avait plus, comme en 1789 ou en 1848, de mansuétude ni d’hésitation. Aux journées de Juin, le général Cavaignac avait déjà perfectionné ce qu’on pourrait appeler la technique de la répression. Cette fois on fusilla tout individu pris les armes à la main. Le 5 décembre, Paris était redevenu calme. En province, il n’y eut que des soulèvements locaux dont la troupe vint à bout sans difficulté. L’ensemble de la France avait accepté le coup d’État. Le 21 décembre, le suffrage universel, rétabli comme l’avait promis le Prince Président, fut appelé à se prononcer. Par 7 000 000 de oui contre 600 000 non, il approuva Louis-Napoléon Bonaparte d’avoir violé et aboli la Constitution et lui conféra le pouvoir pour six ans. En réalité, l’Empire était fait.
« Voilà un demi-siècle que la France a les institutions administratives de l’an VIII, disait une proclamation du prince. Pourquoi n’en aurait-elle pas aussi les institutions politiques ? » En effet, il n’y avait presque rien à changer pour revenir à la dictature consulaire. Il suffit de limiter les pouvoirs de la Chambre, nommée de nouveau Corps législatif et privée de tout droit d’initiative. Le perfectionnement, c’était l’élection des députés au suffrage universel et direct, mais avec la candidature officielle qui désignait les candidats agréables au gouvernement et leur assurait la quasi-totalité des sièges. Si, aux institutions de l’an VIII, le régime parlementaire se superposait aussi bien que la dictature, c’était à la dictature qu’on était retourné. Un an plus tard, après une rapide préparation et un voyage à travers la France où il avait été reçu comme un souverain, Louis-Napoléon annonçait son intention de rétablir l’Empire héréditaire et de prendre le nom de Napoléon III. Le 21 novembre 1852, un nouveau plébiscite l’approuvait à une majorité encore plus écrasante que l’année précédente. Le peuple français avait adopté l’Empire autoritaire par 7 880 000 oui contre 250 000 non. L’opposition ne comptait plus. Les républicains avancés étaient en exil. Ceux qui restaient, effrayés par les mesures de rigueur et les déportations qui avaient suivi le 2 décembre, étaient réduits au silence. Victor Hugo, réfugié à Guernesey, écrivait les Châtiments, mais se voyait bientôt seul à « braver Sylla ». Aux élections
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