Histoire de France
en Suisse ou chez son ami le duc de Milan. Par bonheur, les coalisés hésitèrent. Louis XI profita de ce moment d’hésitation pour tenter les princes. Places fortes, provinces, argent : il leur offrit beaucoup, un peu moins pourtant que ce qu’ils auraient pu prendre. À ce prix, qui était lourd, Louis XI écartait le péril. Il montrait que la prétendue ligue du Bien Public n’était qu’une ligue d’avidités.
Louis XI l’avait échappé belle, mais il s’était encore démuni, affaibli, et ce ne serait pas une petite affaire de ressaisir ce qu’il avait cédé, la Normandie à l’un, la Guyenne à l’autre, tout un démembrement de la France. Peut-on reprocher à Louis XI de n’avoir signé à Conflans qu’avec la pensée de ne pas tenir ? Il faudrait un volume pour entrer dans le détail de la politique qu’il suivit alors, des multiples intrigues qu’il noua, convoquant les états généraux pour leur faire déclarer que la cession de la Normandie était nulle, reprenant cette province à son frère, encourageant les révoltes de Liège et de Dinan contre le duc de Bourgogne.
Charles le Téméraire, qui venait de succéder à son père, nourrissait de vastes et dangereux desseins. Il voulait fondre en un bloc ses domaines faits de pièces et de morceaux, relier la Bourgogne aux Pays-Bas, soit par la Champagne, soit par la Lorraine, gouverner sans avoir à rendre hommage au roi de France ni à respecter les coutumes flamandes. Déjà il avait terriblement châtié les villes de la Meuse. Louis XI sentit que son tour allait venir et voulut prévenir le danger. Se fiant à son adresse, il demanda une entrevue à son cousin et, muni d’un sauf-conduit en règle, se rendit à Péronne. Comment le renard n’avait-il pas senti le piège ? À peine était-il arrivé à Péronne que Charles le Téméraire, alléguant une nouvelle révolte des Liégeois, dont il rendait le roi responsable, le retint prisonnier. Il ne le relâcha qu’après l’avoir humilié. Louis XI dut aller, de compagnie avec le duc de Bourgogne, écraser, à Liège, nos fidèles alliés. Il avait dû promettre aussi de donner la Champagne à son frère. Louis XI accepta tout, signa tout, sacrifia les Liégeois et sa fierté pour sauver la Champagne. Il fit tant qu’en retrouvant sa liberté il obtint que, si son frère y consentait il pourrait lui donner une autre province moins importante que la Champagne. Louis XI s’était tiré du plus mauvais pas de sa vie. Mais pourquoi Charles le Téméraire l’avait-il laissé partir quand il le tenait à sa merci ? On ne peut trouver qu’une raison : la force morale que représentait le roi, le devoir qui liait le vassal, même le grand vassal, au suprême suzerain. Ainsi jadis les Plantagenets avaient respecté leur hommage au roi de France. La féodalité portait en elle-même cet important correctif. Elle protégeait, elle servait encore le souverain qui lui a porté de si rudes coups.
C’est à la suite de cette aventure que Louis XI infligea à ceux qui l’avaient trahi ses plus célèbres châtiments. Le cardinal La Balue avait trempé dans le guet-apens de Péronne. Ce prince de l’Église eut la vie sauve, mais il fut enfermé dans une de ces cages de fer qu’on employait en Italie et dont il avait lui-même recommandé l’emploi. Ces châtiments, que la légende a retenus, frappaient les esprits. C’était ce que cherchait Louis XI et c’était la plus simple de ses tâches. Il était nécessaire d’inspirer de la crainte. À chaque instant, il fallait réprimer des séditions de seigneurs ou de villes. Partout le roi trouvait des ennemis. Du côté de l’Angleterre, où l’on ne savait alors qui gouvernerait le lendemain, le roi de France devait toujours être sur ses gardes. Malgré des trêves, l’état de guerre avec le duc de Bourgogne était permanent. Une fois, le Téméraire n’y tint plus. Il voulut brusquer la partie, envahit le royaume, assiégea Beauvais. Mais sa réputation commençait à être mauvaise. Beauvais redouta le sort des Liégeois. Les habitants, les femmes même, défendirent la ville et c’est là que s’illustra Jeanne Hachette (1472). L’expédition tourna court. Le duc de Bourgogne rentra chez lui sans résultat. Alors les esprits perspicaces se mirent à douter de lui et c’est à ce moment que Commines passa au camp de Louis XI.
Vis-à-vis de son grand adversaire, le roi avait adopté pour tactique la prudence. Il le
Weitere Kostenlose Bücher