Histoire de France
Bourges avait trouvé appui auprès de l’empereur Sigismond. Quand il voulut se débarrasser des bandes armées qui infestaient la France, de même que Charles V avait liquidé les grandes compagnies en les envoyant en Espagne, il les envoya en Suisse pour rendre service à l’empereur. D’où, à l’improviste, de grandes conséquences. Le dauphin avait conduit à Bâle les routiers encombrants, et le dauphin, c’était le futur Louis XI. En battant les Suisses, il les découvrit, il apprit à les connaître. Plus tard il se souviendra d’eux. Cependant les cantons helvétiques s’affranchissaient, l’empereur était trop faible pour les faire rentrer dans le devoir, et il devait appeler les Français à son aide. Voyant cela, des villes d’Empire, qui n’étaient d’Empire que par les lointains effets des partages carolingiens, demandèrent la protection du roi de France. Ce fut le cas de Toul et de Verdun. Metz s’y joindra plus tard : les grandes luttes du seizième et du dix-septième siècle s’annoncent.
Autre événement, lointain celui-là, riche, lui aussi, de conséquences. En 1453, les Turcs s’emparent de Constantinople. Depuis longtemps déjà ils avaient pris pied en Europe : ils devenaient puissance européenne. La chrétienté en trembla. Qui eût dit alors que, dans les luttes de l’avenir, la France trouverait en Turquie un allié inespéré contre l’empire germanique ? Ainsi, en mal, en bien, les choses politiques s’engendrent les unes des autres, et au moment même, nul regard, si perçant soit-il, ne peut en pénétrer bien profondément la complexité.
Chapitre 7 Louis XI : l’unité sauvée, l’ordre rétabli, la France reprend sa marche en avant
En somme, depuis l’avènement des Valois, la monarchie et la France avaient peine à se remettre d’aplomb. Le prestige de la royauté n’était plus ce qu’il avait été. Les circonstances avaient singulièrement favorisé et enhardi la haute féodalité, les grands vassaux, les ducs de Bourgogne surtout, qui apparaissaient comme les égaux du roi de France. Avec la Picardie et la ligne de la Somme, ne tenaient-ils pas Paris à leur discrétion ? Les ducs bourguignons se sentaient de moins en moins français à mesure que s’éloignait leur cousinage. Philippe le Bon, Jean sans Peur lui-même, avaient encore quelque fois scrupule de nuire à la France. Charles le Téméraire sera un ennemi déclaré. Il ne semblait pas impossible alors que cet État nouveau détruisît l’État français.
L’œuvre de restauration de Charles VII était fragile, aussi fragile que l’avait été celle de Charles V. En 1461, il mourut, dit-on, d’inquiétude et de chagrin. Il en avait de sérieuses raisons. Son fils aîné ne s’était-il pas révolté contre lui ? Ne s’était-il pas mis à la tête d’une ligue rebelle ? En rétablissant l’ordre en France, Charles VII avait fait des mécontents : l’anarchie profite toujours à quelqu’un, souvent aux grands, jamais aux petits. La « praguerie » (elle fut ainsi nommée par une singulière imitation des troubles hussites de Prague) ressemble à tant de « frondes » que nous avons déjà vues et que nous verrons encore. Que cette noblesse française était étrange ! Tantôt fidèle, dévouée, prête à verser son sang, décimée à Crécy, décimée à Poitiers, décimée à Azincourt ; tantôt insoumise et dressée contre l’État. Pourtant ce n’était pas une caste, une aristocratie fermée, une race à part en France. Les grands vassaux sortaient presque tous de la famille capétienne. Quant aux nobles, ils eussent disparu depuis longtemps si des anoblis n’avaient occupé les places vides. Mais tout homme riche, tout seigneur supporte mal la discipline. Ce fut justement le rétablissement de la discipline civile et militaire qui fut la cause de la praguerie.
Cette affaire fut d’autant plus grave que l’héritier de la couronne y était mêlé. Jamais encore, chez les Capétiens, on n’avait vu le futur roi en rébellion contre son père. Sans doute il y avait là un signe de l’impatience de régner qui tourmentait Louis XI. Il y avait aussi l’indice d’un affaiblissement de la monarchie. Les contemporains purent, à bon droit, trouver le symptôme mauvais et croire davantage à la maison de Bourgogne qu’à la maison de France divisée contre elle-même. Mais Louis XI était de vrai lignage capétien. Il s’instruisait par l’expérience.
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