Histoire de France
adoptée fut de prononcer l’incorporation au royaume par des arrêts de justice fondés sur l’interprétation des traités existants et appuyés au besoin par des démonstrations militaires. C’est ainsi qu’il fut procédé en Franche-Comté, en Alsace et en Lorraine. C’est ainsi qu’en 1681 Strasbourg devint français, par arrêt de justice avant de l’être de cœur, ce qui ne tarda pas.
Ces annexions en pleine paix, selon une méthode fort économique pour nous, et que l’on appela d’un mot très juste des « réunions », causèrent du mécontentement en Europe. L’Allemagne s’émut. Mais ni l’empereur, menacé par les Turcs jusque sous les murs de Vienne, ni les pacifiques bourgeois hollandais, revenus à leur négoce, n’étaient en état ou en humeur d’entreprendre la guerre. L’Angleterre était toujours neutre, notre diplomatie dissuada les princes allemands d’intervenir, et, par la trêve de Ratisbonne, les « réunions » furent provisoirement acceptées par l’Europe. C’était encore un succès, mais fragile. Le péril d’une coalition était apparu et l’on découvrait que l’Europe n’acceptait pas les agrandissements de la France, qu’à la première occasion elle s’efforcerait de nous ramener à nos anciennes limites. Dans cette situation, les ressources diplomatiques n’étaient pas négligées mais elles s’épuisaient. Louis XIV pensa que le seul moyen était d’imposer, car « si la crainte qu’il inspirait venait à cesser, toutes les puissances se réuniraient contre lui ». C’est ainsi que, dans plusieurs affaires qui se présentèrent alors (par exemple le bombardement de Gênes, qui mettait ses navires au service de l’Espagne), on reproche au roi d’avoir bravé l’Europe, de même qu’on lui reproche d’avoir manqué d’audace dans la première campagne de Flandre. Il est facile de blâmer à distance. Sur le moment, le parti à prendre n’est pas si commode. On dit que Louis XIV a provoqué la coalition. Est-on sûr qu’il ne l’eût pas encouragée en donnant une impression de timidité et de faiblesse ? Déjà Guillaume d’Orange et l’empereur Léopold s’entendaient secrètement. La révocation de l’Édit de Nantes, sur ces entrefaites, donna un aliment à la propagande anti-française dans les pays protestants. Mais les protestants n’étaient pas nos seuls ennemis. L’empereur, de son côté, se chargeait d’exciter les pays catholiques en accusant Louis XIV d’être l’allié des Turcs. Le roi eut même un grave conflit avec le pape Innocent XI. Avignon fut occupé et il s’en fallut de peu que le marquis de Lavardin, entré à Rome avec ses soldats, n’imitât Nogaret : c’est la curieuse ressemblance, que nous avons déjà signalée, de ce règne avec celui de Philippe le Bel.
La ligue d’Augsbourg se forma dans ces circonstances. Elle fut loin, au début, de comprendre toute l’Allemagne et toute l’Europe. Elle devait bientôt se compléter. La chose la plus grave était en voie de s’accomplir : l’Angleterre tournait du côté de nos ennemis. L’opposition contre Jacques II grandissait et sept membres de la Chambre des lords avaient pris l’initiative d’offrir le trône à Guillaume d’Orange. Quand Louis XIV proposa à Jacques II de le soutenir, il eut la désagréable surprise d’être repoussé par le Stuart, qui, de crainte d’être définitivement compromis par l’alliance française, se priva de son unique secours. Ne pouvant plus compter sur Jacques II, Louis XIV prit le parti de laisser faire, dans l’idée que l’usurpation de Guillaume d’Orange entraînerait une longue guerre civile et immobiliserait l’Angleterre et la Hollande à la fois. Ce calcul se trouva faux. Le prince d’Orange débarqua en Angleterre et détrôna son beau-père, sans difficultés. (1688) Les efforts des Stuarts pour reprendre leur couronne seront vains. Désormais l’Angleterre nous est hostile. Elle ne fait plus qu’un avec la Hollande. Toute la politique de l’Europe est changée.
Louis XIV, qui pressentait ces événements, n’avait pas voulu les attendre. Étant donné l’attitude qu’il avait prise, son dessein était d’user d’intimidation et de précaution. Sans déclarer la guerre, il annonça qu’il était obligé d’occuper la rive gauche du Rhin et une partie de la rive droite afin que l’Empire ne pût s’en servir comme d’une base militaire contre la France. En dévastant
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