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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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près de ce qu’elle avait été depuis Philippe II ». C’était la considération capitale. Elle emporta l’acceptation. Un des ministres présents fut pourtant d’avis que nous ne gagnerions pas grand-chose à installer à Madrid un Bourbon, « dont tout au plus loin la première postérité, devenue espagnole par son intérêt, se montrerait aussi jalouse de la puissance de la France que les rois d’Espagne autrichiens ». Et il est vrai que le duc d’Anjou devint très vite Espagnol. Mais le grand point gagné, ce n’était pas seulement qu’il y eût à Madrid une dynastie d’origine française. C’était qu’il n’y eût plus de lien entre l’Espagne et l’Empire germanique et que la France ne fût plus jamais prise à revers : soulagement, sécurité pour nous. Le mot célèbre et arrangé, « il n’y a plus de Pyrénées », traduisait ce grand résultat, la fin d’une inquiétude et d’un péril qui avaient si longtemps pesé sur la France.
    Ainsi, refuser le testament, c’était laisser l’Espagne à la maison d’Autriche, malgré la nation espagnole qui appelait le duc d’Anjou. L’accepter, c’était, en revanche, renoncer aux acquisitions que le traité de partage nous promettait. Il fallait opter. Un intérêt politique supérieur, la considération de l’avenir l’emportèrent. À distance, les raisons qui déterminèrent le choix paraissent encore les meilleures et les plus fortes. Par la suite, nous nous sommes félicités en vingt occasions d’avoir soustrait l’Espagne à l’influence allemande.
    À partir du moment où un petit-fils de Louis XIV succédait à Charles II sous le nom de Philippe V, il était inévitable qu’il y eût en Europe de violentes oppositions. Celle de l’empereur évincé fut immédiate. Quant à Guillaume d’Orange, d’avance son parti était pris. Toutefois il devait compter avec le Parlement anglais et avec les États-Généraux de Hollande, également las de la guerre. Eût-il été possible à Louis XIV d’échapper au conflit ? On lui reproche des fautes qui donnèrent à Guillaume III le prétexte qu’il cherchait pour exciter l’opinion publique en Angleterre et aux Pays-Bas. En réalité, Louis XIV devait s’attendre à des hostilités et ses mesures de précaution étaient aussitôt traduites en provocations. Son petit-fils régnant en Espagne, le roi de France était comme chez lui à Anvers et à Ostende et c’était ce que l’Angleterre ne pouvait supporter. Elle ne pouvait supporter non plus que, par son association avec l’Espagne, la France dominât la Méditerranée, devînt peut-être la première des puissances maritimes et coloniales. La Chambre des Communes n’hésita plus lorsqu’elle eut compris, selon l’expression d’un historien, que cette guerre était une « guerre d’affaires » dont l’enjeu serait le commerce des riches colonies espagnoles. Comme dans tous les grands conflits, les considérations économiques se mêlaient aux considérations politiques.
    Guillaume III mourut avant d’avoir déclaré la guerre et sans qu’elle en fût moins certaine, tant il est vrai que les hommes n’y pouvaient et n’y changeaient rien. La situation était plus forte qu’eux. Il suffit de penser à une chose : que dirait l’histoire si Louis XIV avait laissé tomber l’Espagne aux mains de l’empereur germanique ? Que dirait-elle d’un gouvernement britannique qui se serait désintéressé de l’opulente succession ?
    Il vient sans doute à l’esprit que Louis XIV eût pu rassurer des puissances inquiètes en marquant avec netteté que la France et l’Espagne ne se confondraient pas. Mais déjà l’empereur revendiquait par les armes ce qu’il appelait son héritage et l’Espagne était si faible, si peu capable de se défendre elle-même (sans compter les embarras qui résultaient du changement de dynastie) que nous dûmes la porter à bout de bras, mettre nos armées, nos généraux, nos ressources au service de Philippe V. Dans ces conditions, nos ennemis avaient beau jeu à prétendre que l’État français et l’État espagnol ne faisaient plus qu’un et les accusations d’impérialisme redoublaient.
    Louis XIV, prévoyant que la lutte serait difficile, s’était muni d’alliances : l’électeur de Bavière et celui de Cologne, le duc de Savoie, le Portugal. La tactique de la coalition fut de mettre hors de combat. Le duc de Savoie, adepte de la « versatilité

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