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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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intérêt, et dans la crainte de la banqueroute   ; les hommes éclairés, et toute la classe moyenne, l’étaient par patriotisme   ; le peuple, pressé par ses besoins, rejetant ses souffrances sur les privilégiés et sur la cour, désireux d’agitation et de nouveautés, avait embrassé avec chaleur la cause de la révolution. Il est difficile de se figurer le mouvement qui agitait cette capitale de la France   ; elle sortait du repos et du silence de la servitude, elle était comme surprise de la nouveauté de sa situation, et s’enivrait de liberté et d’enthousiasme. La presse échauffait les esprits, les journaux répandaient les délibérations de l’assemblée, et faisaient assister en quelque sorte à ses séances   ; on discutait en plein air, sur les places publiques, les questions qui étaient agitées dans son sein. C’était au Palais-Royal surtout que se tenait l’assemblée de la capitale. Il était toujours rempli d’une foule qui semblait permanente, et qui se renouvelait sans cesse. Une table servait de tribune, le premier citoyen d’orateur   ; là on haranguait sur les dangers de la patrie, et on s’excitait à la résistance. Déjà, sur une motion faite au Palais-Royal, les prisons de l’Abbaye avaient été forcées, et des grenadiers des gardes-françaises, qui avaient été renfermés pour avoir refusé de tirer sur le peuple, en avaient été ramenés en triomphe. Cette émeute n’avait pas eu de suite   ; une députation avait sollicité, en faveur des prisonniers délivrés, l’intérêt de l’assemblée, qui les avait recommandés à la clémence du roi   ; ils s’étaient remis en prison et ils avaient reçu leur grâce. Mais ce régiment, l’un des plus complets et des plus braves, était devenu favorable à la cause populaire.
    Telles étaient les dispositions de Paris lorsque Necker fut renvoyé du ministère. La cour, après avoir établi des troupes à Versailles, à Sèvres, au Champ-de-Mars, à Saint-Denis, crut pouvoir exécuter son plan. Elle commença par l’exil de Necker et le renouvellement complet du ministère. Le maréchal de Broglie, Lagallissonnière, le duc de la Vauguyon, le baron de Breteuil et l’intendant Foulon, furent désignés comme remplaçants de Puiségur, de Montmorin, de la Luzerne, de Saint-Priest et de Necker. Celui-ci reçut le samedi, 11 juillet, pendant son dîner, un billet du roi qui lui enjoignait de quitter le royaume sur-le-champ. Il dîna tranquillement sans faire part de l’ordre qu’il avait reçu, monta ensuite en voiture avec madame Necker, comme pour aller à Saint-Ouen, et prit la route de Bruxelles.
    Le lendemain dimanche, 12 juillet, on apprit à Paris, vers les quatre heures du soir, la disgrâce de Necker et son départ pour l’exil. Cette mesure y fut considérée comme l’exécution du complot dont on avait aperçu les préparatifs. Dans peu d’instants la ville fut dans la plus grande agitation   ; des rassemblements se formèrent de toutes parts, plus de dix mille personnes se rendirent au Palais-Royal, émues par cette nouvelle, disposées à tout, mais ne sachant quelle mesure prendre. Un jeune homme plus hardi que les autres, et l’un des harangueurs habituels de la foule, Camille Desmoulins, monte sur une table, un pistolet à la main, et il s’écrie   : « Citoyens, il n’y a pas un moment à perdre   ; le renvoi de M. Necker est le tocsin d’une Saint-Barthélemy de patriotes   ! ce soir même tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger   ! il ne nous reste qu’une ressource, c’est de courir aux armes. » On approuve par de bruyantes acclamations. Il propose de prendre des cocardes pour se reconnaître et pour se défendre. – « Voulez-vous, dit-il, le vert, couleur de l’espérance, ou le rouge, couleur de l’ordre libre de Cincinnatus   ? » – « Le vert, le vert, répond la multitude. » L’orateur descend de la table, attache une feuille d’arbre à son chapeau, tout le monde l’imite, les marronniers du Palais sont presque dépouillés de leurs feuilles, et cette troupe se rend en tumulte chez le sculpteur Curtius.
    On prend les bustes de Necker et du duc d’Orléans, car le bruit que ce dernier devait être exilé, s’était aussi répandu   ; on les entoure d’un crêpe et on les porte en triomphe. Ce cortège traverse les rues Saint-Martin, Saint-Denis, Saint-Honoré, et se grossit à chaque pas. Le peuple

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