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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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viennent eux-mêmes leur servir de gardes   ; et là, dans une salle dépouillée, les députés des communes debout, les mains levées, le cœur plein de la sainteté de leur mission, jurèrent tous, hors un seul, de ne se séparer qu’après avoir donné une constitution à la France.
    Ce serment solennel prêté le 20 juin, à la face de la nation, fut suivi, le 22, d’un important triomphe. L’assemblée, toujours privée du lieu de ses séances, ne pouvant plus se réunir dans le jeu de paume, que les princes avaient fait retenir pour qu’on le leur refusât, se rendit à l’église de Saint-Louis. C’est dans cette séance que la majorité du clergé se réunit à elle, au milieu des plus patriotiques transports. Ainsi les mesures prises pour intimider l’assemblée, élevèrent son courage et hâtèrent la réunion qu’elles devaient empêcher. Ce fut par deux échecs que la cour préluda à la fameuse séance du 23 juin.
    Elle arriva enfin. Une garde nombreuse entoura la salle des états-généraux   ; la porte fut ouverte aux députés, mais interdite au public. Le roi parut environné de l’appareil de la puissance. Il fut reçu, contre l’ordinaire, dans un morne silence. Le discours qu’il prononça mit le comble au mécontentement par le ton d’autorité avec lequel il dicta des mesures réprouvées par l’opinion et par l’assemblée. Le roi se plaignit d’un désaccord excité par la cour elle-même   ; il condamna la conduite de l’assemblée qu’il ne reconnut que comme l’ordre du tiers-état, il cassa tous ses arrêtés, prescrivit le maintien des ordres, imposa les réformes et détermina leurs limites, enjoignit aux états-généraux de les accepter, les menaça de les dissoudre, et de faire seul le bien du royaume, s’il rencontrait encore quelque opposition de leur part. Après cette scène d’autorité, qui ne convenait point aux circonstances et qui n’était point selon son cœur, le monarque se retira en commandant aux députés de se séparer. Le clergé et la noblesse obéirent. Les députés du peuple immobiles, silencieux, indignés   ; ne quittèrent point leurs sièges. Ils restèrent quelque temps dans cette attitude, et Mirabeau, rompant tout à coup le silence   : « Messieurs, dit-il, j’avoue que ce que vous venez d’entendre pourrait être le salut de la patrie, si les présents du despotisme n’étaient pas toujours dangereux. Quelle est cette insultante dictature   ? L’appareil des armes, la violation du temple national, pour vous commander d’être heureux   ! Qui vous fait ce commandement   ? votre mandataire. Qui vous donne des lois impérieuses   ? votre mandataire   ; lui qui les doit recevoir de vous, de nous, messieurs, qui sommes revêtus d’un sacerdoce politique et inviolable   ; de nous enfin de qui seuls vingt-cinq millions d’hommes attendent un bonheur certain, parce qu’il doit être consenti, donné et reçu par tous. Mais la liberté de vos délibérations est enchaînée   ; une force militaire environne l’assemblée   ! Où sont les ennemis de la nation   ? Catilina est-il à nos portes   ? Je demande qu’en vous couvrant de votre dignité, de votre puissance législative, vous vous renfermiez dans la religion de votre serment   ; il ne nous permet de nous séparer qu’après avoir fait la constitution. Le grand-maître des cérémonies voyant que l’assemblée ne se séparait point, vient lui rappeler l’ordre du roi. Allez dire à votre maître, s’écria Mirabeau, que nous sommes ici par l’ordre du peuple, et que nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes. » « Vous êtes aujourd’hui, ajouta Sièyes avec calme, ce que vous étiez hier, délibérons. » Et l’assemblée, pleine de résolution et de majesté, se mit à délibérer. Sur la motion de Camus, elle persista dans tous ses arrêtés   ; et sur celle de Mirabeau, elle décréta l’inviolabilité de ses membres.
    Ce jour-là fut perdue l’autorité royale. L’initiative des lois et la puissance morale passèrent du monarque à l’assemblée. Ceux qui, par leurs conseils, avaient provoqué la résistance n’osèrent pas la punir. Necker, dont le renvoi avait été décidé le matin, fut le soir conjuré de rester par la reine et par le monarque. Ce ministre avait désapprouvé la séance royale, et en refusant d’y assister il s’était concilié de nouveau la confiance de l’assemblée qu’il avait perdue par

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