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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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fait mettre chapeau bas à tous ceux qu’il rencontre. Le guet à cheval se trouve sur sa route, il le prend pour escorte   ; le cortège s’avance ainsi jusqu’à la place Vendôme, où l’on promène les deux bustes autour de la statue de Louis XIV. Un détachement de Royal allemand arrive, veut disperser le cortège, est mis en fuite à coups de pierres, et la multitude continuant sa route, parvient jusqu’à la place Louis XV. Mais là, elle est assaillie par les dragons du prince de Lambesc   ; elle résiste quelques moments, est enfoncée, le porteur d’un des bustes et un soldat des gardes-françaises sont tués   ; le peuple se disperse, une partie fuit vers les quais, une autre se replie en arrière sur les boulevards, le reste se précipite dans les Tuileries par le pont tournant. Le prince de Lambesc les poursuit dans le jardin, le sabre nu, à la tête de ses cavaliers   ; il charge une multitude sans armes qui n’était point du cortège et qui se promenait paisiblement. Dans cette charge, un vieillard est blessé d’un coup de sabre   ; on se défend avec des chaises, on monte sur les terrasses, l’indignation devient générale, et le cri aux armes retentit bientôt partout, aux Tuileries, au Palais-Royal, dans la ville et dans les faubourgs.
    Le régiment des gardes-françaises était, comme nous l’avons déjà dit, bien disposé pour le peuple   ; aussi l’avait-on consigné dans ses casernes. Le prince de Lambesc, craignant malgré cela qu’il ne prît parti, donna ordre à soixante dragons d’aller se poster en face de son dépôt, situé dans la Chaussée-d’Antin. Les soldats des gardes, déjà mécontents d’être comme retenus prisonniers, s’indignèrent à la vue de ces étrangers, avec lesquels ils avaient eu une rixe peu de jours auparavant. Ils voulaient courir aux armes, et leurs officiers eurent beaucoup de peine à les retenir en employant, tour-à-tour, les menaces et les prières. Mais ils ne voulurent plus rien entendre, lorsque quelques-uns des leurs vinrent annoncer la charge faite aux Tuileries et la mort d’un de leurs camarades. Ils saisirent leurs armes, brisèrent les grilles, se rangèrent en bataille à l’entrée de la caserne, en face des dragons, et leur crièrent   : Qui vive   ? – Royal Allemand. – Êtes-vous pour le tiers-état   ? – Nous sommes pour ceux qui nous donnent des ordres. – Alors les gardes-françaises firent sur eux une décharge qui leur tua deux hommes, leur en blessa trois et les mit en fuite. Elles s’avancèrent ensuite au pas de charge et la baïonnette en avant jusqu’à la place Louis XV, se placèrent entre les Tuileries et les Champs-Élysées, le peuple et les troupes, et gardèrent ce poste pendant toute la nuit. Les soldats du Champ-de-Mars reçurent aussitôt l’ordre de s’avancer. Lorsqu’ils furent arrivés dans les Champs-Élysées, les gardes-françaises les reçurent à coups de fusil. On voulut les faire battre, mais ils refusèrent   : les Petits-Suisses furent les premiers à donner cet exemple que les autres régiments suivirent. Les officiers désespérés ordonnèrent la retraite   ; les troupes rétrogradèrent jusqu’à la grille de Chaillot, d’où elles se rendirent bientôt dans le Champ-de-Mars. La défection des gardes-françaises, et le refus que manifestèrent les troupes, même étrangères, de marcher sur la capitale, firent échouer les projets de la cour.
    Pendant cette soirée le peuple s’était transporté à l’Hôtel-de-Ville, et avait demandé qu’on sonnât le tocsin, que les districts fussent réunis et les citoyens armés. Quelques électeurs s’assemblèrent à l’Hôtel-de-Ville, et ils prirent l’autorité en main. Ils rendirent pendant ces jours d’insurrection les plus grands services à leurs concitoyens et à la cause de la liberté par leur courage, leur prudence et leur activité   ; mais dans la première confusion du soulèvement, il ne leur fut guère possible d’être écoutés. Le tumulte était à son comble   ; chacun ne recevait d’ordre que de sa passion. À côté des citoyens bien intentionnés, étaient des hommes suspects qui ne cherchaient dans l’insurrection qu’un moyen de désordre et de pillage. Des troupes d’ouvriers, employés par le gouvernement à des travaux publics, la plupart sans domicile, sans aveu, brûlèrent les barrières, infestèrent les rues, pillèrent quelques maisons   ; ce furent eux qu’on appela les

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