Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
ex-colonisés parut plus généreuse et s’en trouva revalorisée.
La médecine avait toujours été l’alibi du pouvoir scientifique, un peu comme l’Institut Pasteur était l’alibi de la colonisation française. C’est au nom du corps humain, de sa bonne santé, que le pouvoir scientifique a souvent pu agir. Ce sont des chimistes-médecins et des médecins-chimistes qui ont couvert bien des inventions utilisées à d’autres fins que le bonheur de vivre… A l’aube du XX e siècle, l’autorité du médecin et du savant n’était pas contestée ; mais aujourd’hui cette situation s’est modifiée et, en premier lieu, parce que avec la démocratisation des soins, au moins en Occident, le praticien a perdu une grande part de son pouvoir symbolique. Mais on s’est aperçu aussi qu’au nom du même savoir scientifique il pouvait à la fois encourager l’avortement en Inde et le stigmatiser en terre chrétienne, qu’une même maladie ne nécessite pas la même thérapeutique pour un Noir et pour un Italien, pour un Japonais de San Francisco et un Irlandais de Boston. Et comment situer l’acupuncture dans ce savoir scientifique ? La science serait-elle dogmatique, aurait-elle une religion, aurait-elle une idéologie, ou bien est-ce le médecin qui use de ce savoir à sa convenance ?
Le doute naît ainsi. Et le pouvoir de la science, sa Sagesse sont mis en cause comme celui des tyrans.
Face à ces transformations, on observe l’apparition d’idéologies de rechange qui les combattent, clairement ou de façon ambiguë. L’écologie d’abord, devenue la Bible de ceux qui ne veulent pas de Bible — et qui n’a donc pas de théoricien. Elle combat à la fois l’unification technocratique de l’économie, l’uniformisation de la culture, et ne se veut ni gauche ni droite. En URSS, elle peut avoir été nationaliste, comme en Estonie où, en attaquant la pollution, elle vise l’État en son centre, Moscou ; elle est traditionaliste en glorifiant la nature russe polluée par l’industrie (Raspoutine), gauchiste par sa lutte contre l’État, etc. Il en va de même ailleurs, mais les caractères de son ambiguïté sont moins nets, si l’on ose dire. L’autre idéologie montante est l’intégrisme, qui régénère le nationalisme dans le sens le plus conservateur, en Géorgie par exemple, et dont le succès peut être lié à l’apparition de minorités démunies, en Iran ou au Maroc notamment ; pour le reste et comme dans les pays d’Islam, l’intégrismecatholique ou juif se dresse également contre les grands changements du XX e siècle.
Le croisement de l’intégrisme, de l’écologie avec les phénomènes en voie d’accélération tels que l’unification économique et culturelle a fait surgir ou resurgir trois types de conflits qui avaient plus ou moins disparu, on avaient été étouffés, au temps des idéologies triomphantes et de l’Etat-Moloch. Comment les définir ?
— Renaissent les conflits territoriaux là où l’évolution historique récente s’est faite plus lentement qu’ailleurs : les conflits traditionnels y réapparaissent (Arméniens/Azeris, Roumains/Hongrois, Persans/Arabes). La loi du sang, de la race, a pris le dessus.
— Là où l’évolution économique rapide a créé une situation de type « colonial » à l’intérieur d’une même société, la révolte prend un caractère social virulent, où l’argent est l’enjeu principal, la pauvreté en étant le salaire (Québec, Sicile, Corse, Maroc, Pérou, l’Iran avant Khomeiny, ghettos urbains en France, au Brésil). La couleur du drapeau des insurgés varie : la foi, l’identité, la lutte des classes.
— Là où le Welfare State règne, avec les progrès de l’éducation et l’ouverture sur le monde, les peuples qui se considèrent comme supérieurs culturellement n’admettent plus d’être dépendants : typique est l’exemple des Baltes ou des Slovènes. C’est le niveau culturel qui stimule le mouvement de révolte ; et le révèle le petit nombre de mariages mixtes (entre Estoniens et Russes, entre Slovènes et Serbes).
Ces derniers exemples signifient l’intégration du problème colonial et du problème national. N’en feraient-ils qu’un seul ?
Restent les mentalités.
On retrouve le mythe de l’indigène « paresseux » dans le discours de la plupart des colonisateurs. Sauf les Russes des années quatre-vingt, au XX e siècle, qui se jugent « plus
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