Histoire du Consulat et de l'Empire
demandes adressées à la commission sénatoriale figurent notamment celles de Sade et de Théodore Desorgues, poète interné à Charenton en 1805. Quant à la commission pour la liberté de la presse, son activité est des plus réduite. Le Sénat n'a pas pu, sauf à la marge, œuvrer en faveur de la préservation des idéaux de 1789.
Pourtant le Sénat garde un certain lustre dans le dispositif institutionnel. Il le retire de sa composition. Aux sénateurs nommés sous le Consulat sont venus s'adjoindre, en vertu de la Constitution de l'an XII, de hautes personnalités du régime, à savoir les princes français, frères de Napoléon, et les grands dignitaires de l'Empire ; c'est à ce titre que Joseph, Louis et Jérôme Bonaparte entrent au Sénat, de même que Murat, Eugène de Beauharnais, Cambacérès, Lebrun, Talleyrand et Berthier. Napoléon use aussi de son pouvoir pour nommer au Sénat quelques personnalités éminentes, par exemple Chaptal, récemment privé du ministère de l'Intérieur. En février 1805, l'Empereur procède à une fournée de dix-sept sénateurs parmi lesquels figurent les cardinaux Fesch et Cambacérès qui y rejoignent le cardinal de Belloy, les généraux Hédouville, Gouvion et Caulaincourt, par ailleurs grand écuyer et fidèle de l'Empereur, des ambassadeurs comme d'Aguesseau. Enfin, Napoléon inspire les choix du Sénat qui fait entrer en son sein des hommes comme Pierre Ta�cher, cousin de l'impératrice Joséphine, ou Bacciochi, époux d'Elisa Bonaparte et donc beau-frère de Napoléon. En 1806, deux nouveaux ecclésiastiques entrent au Sénat : Mgr Primat, archevêque de Toulouse, et Mgr Barral, archevêque de Tours. En 1807, il accueille notamment Fabre de l'Aude qui présidait jusqu'à sa suppression le Tribunat. À la suite des nouvelles annexions à l'Empire, les représentants étrangers, notamment italiens, font une entrée remarquée au Sénat.
Ce dernier se considère donc, à juste titre, comme la première des assemblées, primauté qui lui est reconnue, notamment lors du sacre au cours duquel le Sénat figure au premier rang des assemblées. Cette primauté tient à la nature des fonctions sénatoriales, inamovibles, mais aussi au traitement qui leur est assorti, auquel s'ajoutent pour certains les revenus des sénatoreries octroyées à une trentaine de sénateurs. Les titulaires de ces sénatoreries représentent une élite au sein du Sénat. Ils obtiennent la concession d'une résidence de prestige, l'archevêché d'Auch pour la sénatorerie d'Agen, le château de Thouars pour celle de Poitiers, le château des 187
LA NAISSANCE D'UNE MONARCHIE (1804-1809)
princes de Salm-Salm pour celle de Bruxelles. En juin 1804, quinze nouvelles sénatoreries sont attribuées, parmi lesquelles celles de Colmar à Kellermann, le vainqueur de Valmy, celle de Paris à Lacépède, grand chancelier de la Légion d'honneur, ou celle de Lyon à Le Couteulx-Canteleu, un des fondateurs de la Banque de France. Déjà d'autres grandes figures du Sénat comme Fouché, Roederer ou Ducos avaient obtenu une faveur identique, le premier à Aix, le deuxième à Caen, le troisième à Orléans. Richement dotés, pourvus d'une des demeures les plus somptueuses de leur circonscription, reçus avec des honneurs comparables à ceux des gouverneurs de province dans l'ancienne France, ces devaient
séjourner trois mois dans leur sénatorerie et parcourir les départements qu'elle recouvrait, trois en général, avec la mission de tenir informé le gouvernement de l'état des esprits. Ils doublent sur ce terrain l'action des préfets, répondant au souci constant de l'Empereur de connaître dans le détail la situation du pays. Riches et reconnus, les sénateurs restent pour l'heure des soutiens indéfectibles du régime. , A la tête de l'Etat, Napoléon demeure cependant le seul maître à bord. Non seulement il a la haute main sur la plupart des nominations aux postes les plus élevés, mais il ne délègue à personne le soin de décider en dernier ressort sur les questions importantes. Il joue surtout un rôle essentiel dans la direction de la police. Les réseaux parallèles dont il a encouragé la création lui permettent d'appréhender l'état de l'opinion publique, même si sa connaissance est tributaire de la franchise des préfets et de l'honnêteté de ses informateurs. Cette soif d'informations qui le pousse, à peine levé, à lire les journaux, les bulletins de police ou les
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