Histoire du Consulat et de l'Empire
mais règle surtout la question de l'investiture des évêques. Selon les projets déjà formulés lors du concile, le nouveau concordat prévoit que les évêques nommés pourront recevoir l'investiture canonique de la part du métropolitain de leur province, 356
LA CRISE DU SACERDOCE ET DE L'EMPIRE
si au bout de six mois le pape n'a pas accédé à leur demande.
Pie VII accepte de signer ce texte le 25 janvier 1813, mais il émet le vœu que le concordat ne soit pas immédiatement publié. Néanmoins, la nouvelle de cette conclusion est rapidement connue à travers l'Europe. L'Impératrice s'empresse d'en informer son père, tant il importe à Napoléon d'amadouer la catholique Autriche en lui annonçant la prochaine libération du pape. De fait, l'étau se desserre ; Pie VII peut désormais recevoir à Fontainebleau ses plus proches collaborateurs dont plusieurs ont été libérés à l'annonce de la signature du concordat, à l'image des cardinaux Di Pietro et Pacca. Vingtcinq cardinaux, dont les treize cardinaux « noirs », viennent à nouveau se joindre au pape et reformer à ses côtés le Sacré Collège. L'enthousiasme n'est pas moins grand dans les diocèses de l'Empire où l'on se félicite en général de la conclusion d'un accord qui doit mettre un terme à la désorganisation de l'Église.
Mais l'enthousiasme est de courte durée. Informé par les cardinaux de la situation militaire et diplomatique de l'Empire, le pape choisit d'abord de temporiser, avant de rétracter sa signature, le 24 mars 1813, prenant prétexte de la publication hâtive du concordat par Napoléon. Immédiatement l'Empereur réagit en déclarant le concordat de Fontainebleau obligatoire et en nommant douze évêques dans les diocèses vacants. Ces nominations attisent les tensions. Aucun de ces nouveaux évêques n'ose demander au métropolitain l'investiture canonique. Pour la première fois, sur le plan intérieur, Napoléon se heurte au refus de voir appliquer les mesures qu'il a décidées. Dans sa lutte contre le pape, l'épiscopat refuse de le suivre jusqu'au schisme. Les récalcitrants sont traqués sans merci. Le 5 avril 1813, le cardinal Di Pietro est à nouveau arrêté ; il est interné à Auxonne. Mgr de Boulogne regagne le fort de Vincennes. Quant à Mgr de Broglie, il avait été transféré de Beaune à l'île Sainte-Marguerite, au printemps de 1812, pour avoir entretenu une correspondance secrète avec les chanoines de Gand.
Le clergé belge est, en effet, particulièrement surveillé ; il est aussi le plus rebelle. En 1813, les chanoines de Tournai sont arrêtés, les séminaristes de Gand sont envoyés à l'armée.
Mais, à l'automne de 1813, Napoléon n'est déjà plus maître du jeu. Le 12 août 1813, à l'issue du congrès de Prague, l'Autriche a déclaré la guerre à la France, ce qui ne pouvait qu'encourager Pie VII dans sa résistance. Le pape a du reste profité de ce congrès pour faire passer aux alliés un message ; il a obtenu en retour la certitude que son pouvoir temporel ser�it respecté. En octobre, la Bavière passe dans le camp des alliés. A la fin de l'année, l'Espagne a définitivement échappé à la tutelle française. La position du pape n'a donc jamais été aussi forte. Il peut se prévaloir d'une résistance de plusieurs années, à peine écornée par quelques sautes d'humeur vite oubliées. Et pourtant, Napoléon ne renonce pas à fléchir sa volonté. Il croit encore à un retournement de situation et sait de 357
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
quel poids serait le soutien du pape en la circonstance. En décembre 1813, alors que les alliés menacent le territoire français, Napoléon envoie au pape l'archevêque nommé de Bourges, Fallot de Beaumont, et lui fait dire qu'il pourrait rentrer à Rome s'il acceptait de négocier. Le 14 janvier 1814 enfin, Fallot de Beaumont lui offre de lui restituer son pouvoir temporel. Le pape répond par le dédain.
Il sait les alliés à proximité de Paris. Mais il lui reste encore une épreuve à franchir. Le 21 janvier, en effet, l'Empereur décide de le renvoyer en Italie, non pas directement, par la vallée du Rhône, mais à petites étapes, en contournant le Massif central par l'ouest.
Napoléon ne se résigne pas à sa défaite et suppute un éventuel retournement de situation qui lui permettrait de se saisir à nouveau du pape. De fait, parti de Fontainebleau le 24 janvier, il n'arrive à Savone qu'au début
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