Histoire du Consulat et de l'Empire
Louis XIV avant lui, sur la fibre gallicane de son épiscopat.
Mais ce dernier n'a pas montré un front uni face à Pie VII. Or, cette faille annonce un trouble plus grand encore au sein du clergé, au moins en certaines régions. La paix religieuse patiemment élaborée depuis les débuts du Consulat a donc pris fin. L'idéal napoléonien de réconciliation nationale subit ses premiers accrocs, tandis qu'une nouvelle coupure apparaît dans l'Église. Le catholicisme qui devait être un des piliers de l'État apparaît friable. C'est pourquoi la répression à l'égard des dissidents a été aussi forte.
3. LE DURCISSEMENT DE LA POLmQUE À L'ÉGARD
DES CATHOLIQUES
Sans attendre le résultat des négociations avec le pape, Napoléon a entrepris, à partir de 1809, de resserrer son emprise sur l'Église catholique. Diverses mesures tendent alors à restreindre les libertés 352
LA CRISE DU SACERDOCE ET DE L'EMPIRE
dont avaient pu jouir jusque-là les catholiques. Parmi elles figure notamment l'interdiction faite aux évêques d'organiser dans leur diocèse des missions avec le concours de prédicateurs extérieurs. La mesure vise les groupes de missionnaires itinérants, de prêtres
« errants », dont le succès allait croissant depuis le début de l'Empire. En fait, il leur est reproché de ne pas appartenir aux cadres concordataires et donc d'échapper au contrôle habituel pesant sur le clergé « fonctionnaire ». En ces temps de crise, on craint la fougue oratoire de ces prédicateurs, soupçonnés de vouloir prêcher l'insoumission aux foules et accusés en outre d'être « ultramontains ». Hormis les missionnaires, d'autres prédicateurs célèbres font également les frais de cette politique. L'abbé Frayssinous, le futur ministre des Affaires ecclésiastiques de la Restauration, réputé pour les sermons qu'il prononçait dans l'église Saint-Sulpice à Paris est privé de chaire. Un autre prêtre parisien, l'abbé Guillon, se voit également interdire de prêcher des retraites hors de son diocèse d'origine 4. Désormais la parole ecclésiastique fait peur.
L'église est en effet le dernier lieu où la liberté d'expression prévaut.
Les discours prononcés du haut de la chaire ne sont pas soumis à la censure préalable, même si leurs auteurs encourent des sanctions.
Dans le même mouvement, Napoléon, par le décret signé à Schëmbrunn le 26 septembre 1809, révoque les mesures qu'il avait prises en faveur de trois congrégations chargées des missions extérieures : la congrégation des Prêtres des Missions étrangères, la congrégation des Lazaristes et la congrégation des Pères du Saint
Esprit. Toutes les trois avaient obtenu l'autorisation de former des prêtres pour les missions étrangères et recevaient, pour ce faire, des subventions de la part de l'État. Ces mesures de faveur cessent en septembre 1809. « Je veux la religion chez moi, mais je n'ai envie de convertir personne. Je viens d'effacer du budget des cultes les fonds que j'avais accordés pour les missions étrangères », écrit Napoléon à Fouché 5. Les raisons de l'Empereur sont autres. Il prend surtout acte de l'impuissance de ces congrégations à envoyer des prêtres outre-mer, en raison de la fermeture des ports. Cette décision sanctionne la fin des espoirs de Napoléon d'étendre l'influence française hors d'Europe. Mais il est une raison plus pç>litique. Ces congrégations apparaissent comme un danger pour l'Etat, dans la mesure où elles ont conservé une parfaite indépendance à l'égard du pouvoir civil ; on leur prête également des sentiments de fidélité au pape.
Le clergé concordataire n'échappe pas à la reprise en main orchestrée par le pouvoir. Déjà, on l'a vu, plusieurs prêtres dont l'abbé d'Astros avaient été arrêtés en janvier 1811 pour être entrés en relations avec le pape. Quelques mois plus tard, en juin 181 1 , Napoléon passant dans l'Orne exige e n personne l a démission de l'évêque du lieu, Mgr Chevigné de Boischollet, accusé d'avoir eu une attitude « répréhensible » à l'égard du gouvernement. Il pâtit en fait de ses liens avec la chouannerie. Cette démission forcée, pour 353
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
motifs politiques, est suffisamment exceptionnelle pour être relevée.
Elle montre bien les failles désormais perceptibles au sein du haut clergé. Plusieurs des collaborateurs de l'évêque de Sées sont arrêtés et conduits
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