Histoire du Consulat et de l'Empire
BRUMAIRE
scène devenue célèbre, enfourche un cheval pour haranguer les troupes chargées de la protection des assemblées. Il dénonce
« quelques représentants à stylet qui assiègent la tribune », et demande aux soldats de « délivrer la majorité des représentants du peuple ». Immédiatement, Bonaparte donne l'ordre à ses hommes d'investir l'Orangerie. Sous le commandement de Murat, ils pénètrent dans le bâtiment et s'empressent d'obéir à l'ordre lancé par leur chef : « Foutez-moi tout ce monde-là dehors. » L'armée impose sa ,loi aux parlementaires. Le sabre fait ,taire le verbe. Le coup d'Etat militaire a supplanté le coup d'Etat parlementaire, sans qu'aucun coup de feu soit tiré et sans qu'aucune victime soit à déplorer.
Très vite, le droit reprend ses prérogatives. Tout d'abord, le Conseil des Anciens n'a jamais cessé de siéger. Vers le début de la soirée, il a désigné une commission de cinq membres pour discuter de la réforme des institutions. Puis, un peu avant 19 heures, il prend acte de la vacance du Directoire et de la dispersion du Conseil des Cinq-Cents et décide la création d'une « commission exécutive provisoire », composée de trois membres. Mais le souci de légalité pousse les conjurés à souhaiter, que ces décisions soient entérinées par le Conseil des Cinq-Cents. A la demande de Sieyès, les députés de ce conseil restés à Saint-Cloud sont donc réunis vers 21 heures.
Ils acceptent à leur tour de désigner une « commission consulaire exécutive » et de confier le pouvoir à Bonaparte, Sieyès et Ducos.
Le 20 brumaire, à 4 heures du matin, les consuls prêtent serment devant le Conseil des Anciens qui a tenu séance toute la nuit. Puis, l'ensemble des acteurs du drame rentre à Paris. Chacune des deux assemblées a en outre désigné une commission législative de vingtcinq membres dont l'une des attributions est de rédiger une nouvelle constitution. Les Cinq-Cents ont également procédé à une épuration dans leurs rangs en décidant la proscription ou l'emprisonnement de cinqua9-te-cinq députés jacobins. Commencé le 18 brumaire, le coup d'Etat s'achève le 20 au matin. La France a mis un terme à l'expérience du Directoire.
4. LA RÉACTION DE LA POPULATION
Bonaparte n'a pas négligé l'état de l'opinion au moment de sa conquête dl} pouvoir. Habile à organiser sa propagande en Italie comme en Egypte, il confirme ses talents de communicateur à l'occasion des journées de Brumaire. Tandis que le coup d'État parlementaire est lancé, le 18, il fait placarder sur les murs de Paris des affiches et des proclamations en faveur de sa personne. Elles ont été rédigées par Roederer, l'un des hommes clefs de la conspiration, propriétaire du Journal de Paris où il fait également publier des 45
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
articles favorables à Bonaparte. Le fils de Roederer, Antoine, employé comme apprenti dans une imprimerie participe à cet effort de propagande qui aboutit à un placardage massif d'affiches en faveur de Bonaparte dans la matinée du 1? brumaire. La population parisienne est ainsi préparée au coup d'Etat. Bonaparte lui-même publie plusieurs proclam(\tions pour expliquer son geste. Dès le 18 brumaire, il s'adresse à la garde nationale de Paris et à l'armée pour justifier la constitutionnalité de ses actions et affirmer son souci de préserver la République. Puis le 19 au soir, dans une proclamation rédigée à la première personne, Bonaparte relate les faits qui l'ont conduit à prendre la tête du mouvement de sauvegarde de la République. Et, dans une proclamation du 21 brumaire, signée des trois consuls, Bonaparte invite les Français à prêter le serment
« d'être fidèles à la République une et indivisible, fondée sur l'égalité, la liberté et le système représentatif », c'est-à-dire les principes fondateurs de la Révolution française. Comment les Français reçoivent-ils ce message ?
Ils accueillent le 18-Brumaire dans une relative indifférence.
Certes, une partie de l'opinion éclairée se satisfait du changement de régime. « Le 18-Brumaire fut une délivrance », écrit dans ses Souvenirs Victor de Broglie qui n'a que quatorze ans au moment des faits mais n'en exprime pas moins le sentiment de la frange libérale de l'opinion qui craint par-dessus tout un retour de la Terreur 18.
Mme de Staël l'exprime à sa manière. Mais on ne peut pour autant parler d'un
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