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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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PRÉFACE
 
Pour nous misérables humains
    Qui, durant de longs jours sans fin
    Aspirions, bien souvent en vain,
    À ce misérable bout de pain…
     
    Poème inédit. Gaston de Bonneval.
    Octobre 1973
 
     
     
    Des jours sans fin est le dixième volume de cette enquête que j’ai voulu consacrer à la déportation. Dix volumes. Douze ans de réflexion sur un problème oublié par de nombreuses générations, inconnu pour d’autres, incompris par la plupart. La déportation ne se raconte pas et les attitudes, les comportements, les sensations ou les souffrances de ceux et celles qui ont traversé ces « jours sans fin », renouvelés chaque jour – pour combien de jours encore – sont des éléments difficilement transmissibles. Peut-être, à travers ces innombrables témoignages publiés, beaucoup d’entre vous ont-ils pu approcher cet univers multiple, complexe, irrationnel, ordinaire si l’on ne veut que considérer la « Banalité du Mal » ou l’animalité de l’homme, réconfortant si l’on ne s’attache qu’aux manifestations de solidarité, de résistance, qu’aux personnalités révélées, qu’à l’amitié, le don de soi, l’héroïsme, le triomphe de certaines valeurs essentielles. Je sais qu’il n’existe pas « une » déportation. Chaque interné a ressenti les contraintes, les absurdités, les inquiétudes ou la peur qui lui étaient imposées, d’une manière différente, souvent opposée suivant ses facultés d’adaptation ou de simple compréhension. Dans cette prise en main chaque seconde, l’analyse n’était possible que pour une minorité avec une marge d’erreurs d’appréciations importante, car le système variant avec les phases de guerre, les besoins politiques ou industriels, les interprétations de la hiérarchie administrative ou pénitentiaire, réservait des plages d’hésitation, de mieux-être relatif, d’orientations nouvelles, qui nécessitaient une reconstitution permanente des éléments du problème posé.
    Dix volumes pour répondre à une double question : pourquoi et comment l’homme a-t-il permis et voulu ce crime, le plus grand probablement de notre histoire ? La réponse, les réponses se trouvent, je pense, même si elles ne sont pas toujours apparentes – noir sur blanc dans les textes de cette enquête. En tout cas, la plupart des découpages du puzzle ont été façonnés. N’étant ni historien, ni philosophe, mais simplement journaliste, mon rôle s’est limité à cette préparation, au sauvetage de milliers de récits qui, sans mon entêtement, n’auraient jamais été écrits et qui, demain, serviront à ceux qui voudront aller au-delà du témoignage. Michel de Bouard, alors doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de Caen (et ancien déporté de Mauthausen), écrivait en 1954 :
    « Quand auront disparu les survivants de la déportation, les archivistes de l’avenir tiendront peut-être en main quelques papiers aujourd’hui cachés ; mais la principale source leur fera défaut : je veux dire la mémoire vivante des témoins. L’étude exhaustive du système concentrationnaire sera faite par notre génération, ou elle ne le sera jamais. »
    Malheureusement, les historiens qui ont réalisé des études, parfois fort éloquentes sur ce sujet, ont presque toujours négligé le conseil de Michel de Bouard (sauf Joseph Billig). Je me souviens de ce premier rendez-vous de travail dans le cabinet du docteur Roche, médecin ophtalmologiste français, secrétaire général de l’Amicale Française des Anciens de Dachau. C’était le 4 janvier 1967. Je préparais le dossier sur les expérimentations médicales dans les camps de concentration. Depuis plus de vingt ans, on « racontait » les expérimentations subies par des déportés tziganes de Dachau (ils devaient boire exclusivement de l’eau de mer pure ou de l’eau de mer traitée par les méthodes des Berka ou Schaeffer) en accumulant les mêmes erreurs, en se posant à longueur de pages ou de chapitres de très doctes traités, les mêmes questions sur les résultats contradictoires obtenus dans des séries identiques de cobayes-témoins ou de cobayes-sujets ; au cours du procès de Nuremberg, les juges et les experts palabrèrent plusieurs jours pour essayer de deviner ce qui se cachait derrière ces résultats surprenants, scientifiquement incompréhensibles.
    Le docteur Roche m’expliqua :
    — Avec le comité clandestin de résistance du

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