Hitler m'a dit
Silésie. Des nationaux-socialistes étaient allés, pendant la nuit, tirer un de leurs adversaires politiques de son lit et l’avaient tué à coups de pied. Le Chancelier von Papen, qui devait plus tard être le propre artisan de l’ascension d’Hitler au pouvoir, avait promulgué des lois très sévères contre les crimes politiques. Les assassins de Potempa avaient été condamnés à mort. Dans un télégramme dont la violence avait fait sensation, Hitler s’était publiquement solidarisé avec les meurtriers. Il avait hautement approuvé le forfait de ceux qu’il appelait ses camarades. Cette attitude lui avait d’ailleurs coûté de nombreuses sympathies, et son étoile avait semblé pâlir. Notre conversation s’engagea précisément sur ces événements récents. Hitler s’indignait de la lutte menée contre lui par le « nationalisme bourgeois » qu’il dénonçait comme le pire ennemi de l’Allemagne. « Je ferai dissoudre le Casque d’Acier décréta-t-il, avec l’assurance d’un homme certain du succès. (Le Casque d’Acier était l’association des soldats nationaux du front et constituait la garde armée du parti national-allemand.) Puis il vitupéra la politique de Papen qui, d’après lui, ne reposait que sur le mensonge et sur le crime. Il stigmatisa les condamnations à mort prononcées par le tribunal qui, dit-il, étaient une insulte à tout sentiment de justice. La violence du ton prouvait combien lui-même se sentait menacé. « De tels verdicts sanglants, dit-il, ne peuvent s’oublier. Dans une époque aussi troublée que la nôtre, une nation peut tout supporter et tout oublier, à la condition qu’il y ait eu une lutte loyale d’opinions. Si je livrais la rue aux S.A., et si, dans ces combats de rues, vingt ou trente mille Allemands perdaient la vie, la nation l’admettrait et passerait l’éponge, car on se serait battu comme sur un champ de bataille. Mais un verdict faussé, prononcé froidement et délibérément, une condamnation à mort ordonnée et exécutée contre le sentiment populaire de justice, l’exécution d’hommes n’ayant agi que sous l’empire d’un patriotisme exacerbé et condamnés comme de vulgaires assassins, cela restera gravé éternellement dans la mémoire du peuple. »
J’avoue que sur le moment les arguments passionnés d’Hitler me produisirent une assez vive impression, bien que j’aie toujours vu dans le meurtre de Potempa ce qu’y voyait la majorité du peuple, c’est-à-dire l’une des taches les plus infamantes qui aient jamais souillé le vêtement encore prestigieux qu’était la Chemise brune. Mais depuis, que de meurtres cruels, que de tortures ont été perpétrés par les S.A. et les S.S. ! Et non pas sous l’empire de la passion patriotique, mais tout simplement par cruauté sadique et froidement préméditée. J’ignore si, plus tard, Hitler ne s’est jamais ressouvenu des reproches dont il avait accablé Papen, lorsque lui-même ordonna tant de verdicts sanglants contre de prétendus traîtres à la patrie. Très vraisemblablement, non. Hitler et la plupart de ses hystériques Gauleiters comme Forster par exemple, n’ont jamais éprouvé de scrupules à se renier. Ils ont changé d’opinion sans même s’en rendre compte. Tous passent leur temps à se renier d'un jour à l’autre et de la meilleure foi du monde.
« Papen en portera la responsabilité. Je le lui garantis ! Quant au « Casque d’acier », il sera payé comme il le mente. Je le ferai dissoudre pour le punir de ses attaques déloyales contre mes S.A. Quand je pense qu’il s’est abaisse jusqu’à lier partie avec le Front Rouge ! »
L’heure s’avançait, les dames se levèrent. Hitler s’était laissé attardé plus qu’il n’aurait voulu. Il avait devant lui une nuit sans sommeil. Nous échangeâmes encore quelques phrases banales, puis Hess nous fit signe de nous retirer. Nous étions renvoyés au jour suivant. Nous devions nous tenir prêts à répondre au premier signe, pour lui présenter nos suggestions. Hitler nous accompagna jusqu’à la porte. Il était bien plus de minuit, le ciel était étoilé et clair, la nuit fraîche. L’aube commençait à poindre. Linsmayer et moi, nous rentrâmes à pied à l’auberge « Zum Türken », nous séparant de Forster qui logeait dans une autre maison.
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III
« NOUS DEVONS ÊTRE CRUELS »
J’eus de la peine à m’endormir. Était-ce à cause des paroles que
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