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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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n’était assurément pas un acte sage. Depuis des mois les échauffourées sanglantes entre communistes et anarchistes se succédaient. La Catalogne, et particulièrement Barcelone, était dans un état de tension qui avait déjà donné lieu à des bagarres dans les rues, à des assassinats, etc. Et voilà que soudain le bruit courut dans toute la ville que des hommes armés étaient en train d’attaquer les locaux dont les ouvriers s’étaient emparés au cours des combats de juillet et à la possession desquels ils attachaient une grande importance sentimentale. Il faut se rappeler que les gardes civils n’étaient pas aimés de la population ouvrière. Depuis des générations la guardia avait tout simplement été un apanage du grand propriétaire terrien et du patron ; et les gardes civils étaient doublement haïs parce qu’on soupçonnait, et fort justement, leurs sentiments antifascistes d’être des plus douteux {20} . Il est probable que ce qui fit descendre le peuple dans la rue dans les premières heures, ce fut une émotion toute semblable à celle qui l’avait poussé à résister aux généraux rebelles au début de la guerre. Bien sûr, on peut soutenir que les travailleurs de la C.N.T. eussent dû remettre le Central téléphonique sans protester. Sur ce sujet l’opinion de chacun dépend de la position prise en face de la question gouvernement centralisé ou contrôle ouvrier ? On pourrait arguer avec plus de pertinence : « Oui, la C.N.T. avait très probablement une excuse. Mais, tout de même, l’on était en guerre et ils n’avaient pas le droit d’entamer une lutte à l’arrière du front. » Là, je suis parfaitement d’accord. Tout désordre intérieur dut probablement aider Franco. Mais qu’est-ce qui, au fait, déclencha la lutte ? Que le gouvernement ait eu ou non le droit de saisir le Central téléphonique, il n’en reste pas moins vrai, et c’est là l’important, qu’étant donné les circonstances c’était une mesure qui devait fatalement déclencher le conflit. C’était un acte de provocation, un geste qui signifiait en réalité, et qui était vraisemblablement accompli pour signifier : « C’en est fini de votre pouvoir... c’est nous, à présent, qui sommes les maîtres ». Il n’y avait pas de bon sens à s’attendre à autre chose qu’à de la résistance. Si l’on garde un souci d’équité, on ne peut pas ne pas se rendre compte que la faute n’était pas – ne pouvait pas être, dans une affaire de cette sorte – toute du même côté. Si l’on a communément accepté une version des événements qui ne fait état que d’un seul son de cloche, c’est tout simplement que les partis révolutionnaires espagnols n’ont pas pied dans la presse étrangère. Dans la presse anglaise, en particulier, il vous faudrait longtemps chercher avant de découvrir, pour n’importe quelle période de la guerre, quelque allusion favorable aux anarchistes espagnols. Ils ont été systématiquement dénigrés et, je le sais par ma propre expérience, il est presque impossible d’obtenir l’impression d’un écrit pour leur défense.
    J’ai tâché de parler des troubles de Barcelone objectivement, mais, évidemment, personne ne peut être absolument objectif à propos d’une question de ce genre. On est pratiquement obligé de prendre parti, et il doit apparaître assez clairement de quel côté je suis. En outre, je dois inévitablement avoir commis des erreurs sur les faits, non seulement dans cet Appendice, mais en d’autres parties de ce récit. Il est très difficile d’écrire avec exactitude sur la guerre d’Espagne, car l’on manque de documents qui soient autre chose que de la propagande. Je mets donc en garde tous mes lecteurs contre ma partialité et contre mes erreurs. Toutefois j’ai fait tout mon possible pour être honnête. Et l’on verra que mon compte rendu diffère totalement de celui qu’a donné la presse étrangère, spécialement la presse communiste. Il est nécessaire d’examiner la version communiste parce qu’elle a été publiée dans le monde entier, parce qu’elle n’a pas cessé depuis d’être très fréquemment complétée, et parce qu’elle est probablement la plus généralement acceptée.
    Dans la presse communiste et pro-communiste, toute la responsabilité des troubles de Barcelone fut rejetée sur le P.O.U.M. L’affaire fut présentée non comme une émeute spontanée, mais comme une

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