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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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géographie politique locale, et dès que partent les premiers coups de feu les gens sont aussitôt en place presque comme dans des exercices de sauvetage. Probablement les responsables de la saisie du Central téléphonique s’attendaient-ils à des troubles – quoique peut-être pas sur une échelle si vaste – et avaient-ils pris des dispositions pour y faire face. Mais il ne s’ensuit pas qu’ils projetaient une attaque générale contre la C.N.T. Pour deux raisons, je ne crois pas que d’aucun côté on ait fait des préparatifs en vue d’une lutte généralisée :
    1) Aucun des deux camps n’avait amené de troupes à Barcelone auparavant. Le combat se livra seulement entre ceux qui étaient déjà précédemment à Barcelone, et surtout entre les civils et la police.
    2) Les vivres manquèrent presque immédiatement. Or tous ceux qui ont servi en Espagne savent que l’unique activité de guerre à laquelle les Espagnols excellent réellement est le ravitaillement de leurs troupes. Il est fort improbable que si l’un des adversaires avait envisagé une ou deux semaines de guerre de rues et une grève générale, il n’eût pas auparavant constitué des réserves de vivres.
    Venons-en enfin à la question du juste et de l’injuste en cette affaire.
    On a fait un terrible raffut dans la presse à l’étranger, mais, comme d’habitude, un seul son de cloche a pu se faire entendre. Si bien que les troubles de Barcelone ont été présentés comme une insurrection des anarchistes et des trotskystes déloyaux qui « poignardaient le gouvernement espagnol dans le dos », et ainsi de suite. Ce qui s’était passé n’était pas tout à fait aussi simple que cela. Il est hors de doute que, lorsque vous êtes en guerre avec votre ennemi mortel, il est préférable de ne pas commencer par vous battre entre vous dans votre propre camp ; mais il convient de ne pas oublier qu’il faut être deux pour une querelle et que les gens ne se mettent pas à construire des barricades sans que l’on se soit livré à leur égard à des actes qu’ils considèrent comme une provocation.
    La source des troubles, ce fut l’ordre donné par le gouvernement aux anarchistes de rendre leurs armes. Ce qui, dans la presse anglaise traduit en termes anglais, donna ceci : on avait un extrême besoin d’armes sur le front d’Aragon où l’on ne pouvait pas en envoyer parce que les anarchistes mauvais patriotes les retenaient à l’arrière. Présenter ainsi les choses c’est feindre d’ignorer l’état réel des choses en Espagne. Tout le monde savait que les anarchistes et le P.S.U.C., les uns aussi bien que les autres, amassaient des armes ; et quand les troubles éclatèrent à Barcelone, cela devint encore plus manifeste ; dans l’un et l’autre camp on exhiba des armes en abondance. Les anarchistes savaient fort bien que même s’ils consentaient, pour leur propre part, à rendre leurs armes, le P.S.U.C., le parti politiquement le plus puissant en Catalogne, n’en conserverait pas moins, lui, les siennes ; et c’est en effet ce qui se passa, lorsque les combats eurent pris fin. En attendant, dans les rues l’on voyait des quantités d’armes, qui eussent été les bienvenues sur le front d’Aragon, et qui étaient retenues à l’arrière pour les forces de la police « non politique ». Et sous tout cela il y avait l’inconciliable différend entre communistes et anarchistes, qui devait fatalement conduire, tôt ou tard, à quelque conflit. Depuis le début de la guerre le parti communiste espagnol s’était énormément accru en nombre et avait accaparé la majeure partie du pouvoir politique ; de plus, des milliers de communistes étrangers étaient venus en Espagne et bon nombre d’entre eux déclaraient ouvertement leur intention de « liquider » l’anarchisme aussitôt qu’on aurait gagné la guerre contre Franco. Dans de telles circonstances l’on pouvait difficilement s’attendre à ce que les anarchistes rendissent les armes dont ils avaient pris possession dans l’été de 1936.
    La saisie du Central téléphonique ne fut que l’étincelle qui mit le feu à une bombe qui n’attendait que cela pour exploser. On peut tout juste admettre que les responsables s’imaginèrent peut-être qu’il n’en résulterait pas d’émeute. Companys, le président catalan, aurait déclaré en riant, peu de jours auparavant, que les anarchistes encaisseraient tout {19} . Mais ce

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