Il suffit d'un Amour Tome 2
simple malaise. J'ai peur, Philippe, tout à coup... le temps du bonheur est fini pour nous deux.
Tendrement, il la berçait dans ses bras puis l'entraînait vers le lit sur lequel il la fit asseoir avant de se laisser glisser à ses pieds, sur les marches couvertes d'un épais tapis de Perse.
— Ne dis pas de sottises, fit-il en emprisonnant les deux mains de la jeune femme dans les siennes. L'enfant est malade mais il n'est pas perdu. Tu sais qu'Ermengarde le soigne comme s'il était sien. Je comprends ton angoisse mais il m'est pénible que tu partes. Quand me quitteras-tu ?
— À l'aube...
— Bien, entendu. Alors, une escorte sera, avant l'aube, devant ta maison.
Si, si... j'y tiens ! Le chemin est long, les routes de moins en moins sûres.
L'approche de l'hiver les rend plus dangereuses. Je ne serais pas tranquille autrement. Mais... je t'en prie, ne reste pas trop longtemps loin de moi. Je vais compter les jours...
Catherine détourna la tête, tenta de libérer ses mains mais Philippe les tenait bien.
Peut-être resterai-je en Bourgogne plus longtemps que tu ne crois. Peut-être même ne reviendrai- je jamais en Flandres, dit-elle lentement.
— Comment ? Mais... pourquoi ?
Elle se pencha vers lui, prit entre ses deux mains le visage maigre dont elle avait appris à aimer, d'une certaine manière, les traits fiers et fins.
— Philippe, dit-elle doucement, le moment est venu de la franchise entre nous. Il faut que tu te maries... et tu vas le faire. Allons !... Calme-toi ! Je sais que tu envoies Van Eyck en Portugal, bien que ce ne soit pas lui qui me l'ait dit. Je ne te blâme pas, tu dois donner un héritier à tes sujets.
Seulement... je préfère m'éloigner. Je ne veux pas, après ce que nous avons connu, d'une vie secrète, d'amours cachées. Nous nous sommes aimés au grand jour, je ne supporterai pas la grisaille de la clandestinité.
D'un geste violent, Philippe agrippa les épaules de la jeune femme. Il s'était redressé, appuyé d'un genou sur le lit, la dominant de toute sa taille.
— Tais-toi ! Je ne te condamnerai jamais à la clandestinité. Je t'aime comme jamais je n'ai aimé et, si je dois me marier, ce n'est pas pour que tu connaisses les humiliations. Je suis le duc de Bourgogne et je saurai te garder au rang que je t'ai donné.
— C'est impossible, du moins ici ! Je peux vivre en Bourgogne... Tu n'y viens pas souvent mais tu pourrais y venir seul...
Sara qui entra pour annoncer le souper interrompit l'entretien. Philippe offrit sa main à Catherine pour la mener à table. Le repas avait été servi devant la grande cheminée de la salle d'apparat et trois valets le servaient. Devant les serviteurs, Philippe et Catherine n'échangèrent que peu de paroles. Le duc était soucieux. Un pli profond se creusait entre ses yeux gris et, quand son regard se posait sur Catherine, la jeune femme pouvait y lire une profonde supplication. Il ne touchait pas aux plats qui étaient servis... Comme l'écuyer tranchant s'apprêtait à découper un pâté de chevreuil, Philippe se dressa soudain repoussant si violemment la table qu'elle se renversa avec un bruit de tonnerre, arrachant à Catherine un cri de frayeur. D'un geste, il désigna la porte aux serviteurs.
— Sortez tous ! cria-t-il.
Apeurés, ils obéirent, sans oser ramasser les plats et les assiettes d'or qui se vidaient de leur contenu sur le dallage. Les yeux gris du duc étaient devenus presque noirs et une sorte de fureur crispait tous ses traits.
— Philippe ! cria Catherine.
— N'aie pas peur, je ne te veux aucun mal...
Il vint à elle et, aussi aisément que si elle n'avait rien pesé, l'enleva dans ses bras, l'emportant en courant vers la chambre. Catherine vit que des larmes inondaient son visage... Il la déposa sur le lit mais ne la lâcha pas. Au contraire, il l'emprisonna étroitement contre sa poitrine.
— Écoute... murmura-t-il haletant... et n'oublie jamais ce que je vais te dire : je t'aime plus que tout, plus que ma vie, plus que le salut de mon âme...
et plus que mes États. Si tu l'exigeais, j'abdiquerais demain pour te garder, toi ! Que m'importe après tout un héritier ! Je vais ordonner à Van Eyck de demeurer... je ne me marierai pas. Je ne veux pas te perdre, tu m'entends... je n'accepterai jamais de te perdre ! Si tu veux que je te laisse partir, demain matin, tu vas me jurer de revenir...
— Philippe, gémit Catherine, il s'agit de mon enfant, de notre enfant.
— Qu'importe !
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