Il suffit d'un Amour Tome 2
s'ouvrit en grinçant. On s'engagea dans le couloir où aboutissait un petit escalier d'une dizaine de marches en haut desquelles il y avait une porte de chêne armée d'épaisses pentures de fer et percée d'un guichet. Quand la porte s'ouvrit, Catherine se trouva au seuil d'une salle longue et basse dont les voûtes étaient soutenues par quatre énormes piliers.
Au bout, contre le mur du fond percé d'une étroite fenêtre en fer de lance, une longue table tenait toute la largeur. Cinq hommes étaient assis à cette table. Un autre, assis à une table plus petite, sur le côté, écrivait, éclairé par une chandelle. Des torches brûlaient contre les murs de pierre, nus à l'exception d'un crucifix.
Les gardes menèrent Catherine au centre de la salle, face à la table, et restèrent là, autour d'elle, l'arme au pied, impassibles. La jeune femme comprit qu'elle se trouvait là en face d'un tribunal, mais elle ne put retenir un tressaillement en reconnaissant Arnaud parmi ses juges. Il était assis auprès de celui qui présidait, un seigneur d'une soixantaine d'années au visage épais et sévère sous une couronne de cheveux gris. Il n'avait pas d'armes, cette fois, et portait un pourpoint de daim vert sans aucun ornement. Les autres juges portaient les longues robes rouges ourlées de fourrure des échevins de la ville et étaient j des hommes d'âge mûr. Tous avaient des visages creusés par les privations et figés dans une totale absence d'expression. Arnaud se leva. Son regard noir tomba d'aplomb sur Catherine.
— Vous êtes ici devant messire Raoul de Gaucourt, gouverneur de cette ville, et devant messires les échevins pour y répondre de l'accusation de connivence avec l'ennemi.
— Quel ennemi ? fit Catherine doucement. Je n'ai jamais adressé la parole de ma vie à aucun Anglais... ;
Le poing d'Arnaud s'abattit sur la table qui résonna sous le coup.
— Ne jouez pas sur les mots ! Les gens de Bourgogne sont nos ennemis tout autant que ceux de Suffolk... davantage même ! Car, tout compte fait, l'envahisseur anglais ne fait là que son métier d'envahisseur, tandis que votre maître égorge son propre pays au bénéfice de l'étranger. Voilà pourquoi, vous qu'il a envoyée ici dans un but que nous ne comprenons que trop bien, vous vous trouvez maintenant devant ce tribunal...
— Messire, coupa Catherine avec un soupir de lassitude, ce n'est pas d'hier que nous nous connaissons, vous et moi, et vous savez parfaitement que je ne suis pas née bourguignonne, que je ne le suis devenue que par force. Pourquoi donc me refusez- vous le droit d'avoir, librement, délibérément, tourné le dos à un parti qui ne me semblait pas avoir le bon droit pour lui ? Je suis arrivée ici démunie de tout, après un pénible voyage qui a laissé ses marques sur mes membres et...
À nouveau le poing d'Arnaud tomba. Mais, loin de s'en épouvanter, Catherine eut l'impression bizarre qu'il forçait sa colère et ne faisait autant de bruit que pour masquer une certaine faiblesse intérieure.
— Taisez-vous ! s'écria-t-il. Mieux que quiconque je sais ce que valent vos discours et ce qu'il en faut penser. Je connais votre langue dorée et le grand art de persuasion qui est le vôtre...
Le gouverneur d'Orléans toussota.
— Messire de Montsalvy, dit-il courtoisement, je crains que vous ne vous laissiez emporter par un ressentiment tout personnel. Mieux vaudrait, je crois, que vous laissiez instrumenter ces messieurs et moi- même.
Lorsque nous aurons appris de l'accusée ce que nous désirons en apprendre, vous pourrez requérir autant qu'il vous plaira. Et, tout d'abord, il apparaît que nous avons négligé de munir la prisonnière d'un défenseur...
— Avec votre permission, Sire gouverneur, coupa doucement Catherine, je n'ai que faire d'un défenseur. Ma parole et ma bonne foi devraient suffire à vous convaincre. On m'accuse ici de méfaits que je n'ai point commis et n'avais aucunement l'intention de commettre.
— C'est ce qu'il faudra établir. Mais commençons comme il convient et répondez d'abord à mes questions. Vous êtes bien Catherine de Brazey, maîtresse favorite du duc Philippe ?
Le ton de Gaucourt était grave, mais sans rudesse. Catherine comprit que cet homme n'était pas son ennemi et en prit un peu plus d'assurance.
— Je suis Catherine de Brazey, veuve du Grand Argentier de Bourgogne exécuté pour haute trahison. Et je ne suis plus rien pour Monseigneur Philippe.
A cet
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