Il suffit d'un Amour Tome 2
le pied. De longues tiges de fer sortaient d'un brasier où elles rougissaient et, dans l'ombre, tout au fond, se dessinait vaguement la forme effrayante d'une grande roue armée de pointes de fer.
Effarée, Catherine ne pouvait détacher ses yeux de la sinistre installation quand un cri lui échappa. Le bourreau, brutalement, avait arraché sa robe déjà si mal en point et sa chemise. A se trouver ainsi, nue en face de ces hommes dont les yeux, brusquement, la dévoraient, une profonde rougeur lui monta au visage et elle voulut se cacher de ses bras.
Mais les tourmenteurs lui saisirent les poignets pour les lier ensemble. Un ordre, un cri plutôt les arrêta. C'était Arnaud.
— Qui vous a ordonné de dénuder cette femme ? ;
— Mais, Monseigneur... la coutume, protesta le bourreau.
— Je me moque de la coutume et je ne suis pas votre seigneur. Remettez-lui au moins sa chemise !
Si elle n'avait eu si peur, Catherine se fût rendu compte qu'Arnaud était devenu blême, que les ailes de son nez s'étaient pincées, mais elle se retenait pour ne pas hurler de terreur tandis qu'on l'entraînait vers le lit de torture. Le bourreau tant bien que mal avait drapé sur elle ce qui restait de la chemise.
Sans douceur, on la coucha sur le lit de bois. Ses poignets furent ramenés brutalement au-dessus de sa tête et on les enchaîna au treuil, tandis que l'aide- bourreau faisait de même avec ses chevilles. L'échevin Lhuillier se pencha sur elle :
— Femme, avant que la douleur ne s'empare de vous, je vous adjure de nous dire, de bon gré, ce que vous êtes venue faire en cette ville. Épargnez-vous, épargnez-nous ce qui va suivre. Pourquoi êtes- vous venue ?...
Les yeux de Catherine cherchaient Arnaud, éperdument. Mais il se tenait hors de son champ de vision. Elle ne pouvait même pas deviner s'il était encore là. Alors, elle regarda Lhuillier.
— Pour retrouver l'homme que j'aimais, murmura-t-elle. Mais je ne vous dirai pas son nom.
— Pourquoi ?
— Parce que vous ne me croiriez pas !
Un hurlement de douleur lui échappa. Sur un signe discret de l'échevin, le tourmenteur avait donné un tour au treuil. Le corps de Catherine fut envahi par une marée de souffrance. Elle crut que ses bras et ses jambes s'arrachaient d'elle.
— Soyons sérieux, fit doucement Lhuillier. Si vous voulez que nous vous accordions crédit, il faut, au moins nous dire le nom de cet homme. Qui est-ce ? Quelque Bourguignon qui vit secrètement ici ? Allons... montrez-vous raisonnable et votre souffrance cessera.
Des larmes brûlantes coulaient sur les joues de Catherine. Elle avait si mal que parler lui était déjà pénible.
— Demandez... à messire de Montsalvy. II... devrait... pouvoir vous le dire !
L'échevin hésita. Mais, juste à cet instant, deux hommes, deux chevaliers entrèrent dans la salle et s'approchèrent vivement du lit de torture. Malgré les larmes qui emplissaient ses yeux, Catherine reconnut Xaintrailles, mais elle n'avait jamais vu l'autre. C'était Jean de Dunois, Bâtard d'Orléans, le maître de la ville assiégée. Devant lui, chacun s'écarta avec respect car, à la noblesse de sa naissance1, il joignait une grande bravoure, une indéfectible loyauté et une infinie gentillesse. Il jeta sur la suppliciée un rapide coup d'œil, fit un geste.
— Délivre cette femme, bourreau...
— Monseigneur, commença Lhuillier, ne vous semble-t-il pas...
D'un geste calme mais ferme, Dunois le fit taire.
— Non, mon ami ! Nous avons mieux à faire céans que torturer une femme peut-être innocente. J'apporte de merveilleuses nouvelles.
De derrière le pilier, Arnaud surgit, pâle de colère.
— C'est moi, Monseigneur, qui ai fait arrêter cette femme. C'est moi qui ai dit qu'elle était dangereuse et c'est moi que vous offensez en désavouant mes actes !
Cette fois, le bâtard sourit, avec une nuance de tendresse, et Catherine, que le bourreau aidait à s'asseoir, remarqua l'extraordinaire séduction de ce sourire. Dunois posa ses deux mains sur les épaules du capitaine.
1. Il était né en 1402 des amours du duc Louis d'Orléans avec Mariette d'Enghien.
« Je ne désavoue pas tes actes, Arnaud ! Comment le pourrais-je ? Tu es mon frère d'armes et je t'aime
comme si nous étions du même sang. Si tu as jugé cette femme dangereuse, tu as bien fait de t'en assurer, mais pourquoi la mettre à mal ? Bientôt l'envoyée de Dieu sera ici. Elle va quitter Poitiers où les docteurs l'ont
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