Il suffit d'un Amour Tome 2
un messager de Monseigneur le duc de Savoie qui ne renonce pas à réconcilier les princes ennemis. Lorsqu'il sera venu, je rentrerai moi aussi à Dijon, chez mes parents.
Retirée dans sa chambre, Catherine passa une partie de la nuit à sa fenêtre.
Il faisait un magnifique clair de lune. Sous les murs, la rivière roulait des flots couleur de mercure. Toute la plaine de Saône dormait dans la paix nocturne. Rien, si ce n'est l'aboiement lointain d'un chien et le cri d'une chouette dans un arbre, ne troublait le silence, mais Catherine sentait que les minutes fugitives qu'elle vivait pour l'instant ne se reproduiraient pas avant longtemps. Venaient des jours de combat, des jours d'angoisse et de crainte.
Elle était maintenant une espionne au service du roi de France. Jusqu'où donc l'amour d'Arnaud l’entraînerait-il ?
Garin de Brazey rentra chez lui le jour de la Saint- Michel. Il était tôt le matin quand il sauta de cheval dans la cour de son hôtel, mais Catherine était déjà sortie, afin de se rendre à la messe. Pour une fois, elle avait abandonné Notre-Dame au profit de Saint- Michel puisque l'on célébrait ce jour-là la fête de l'Archange. Malgré l'inguérissable amour éprouvé pour Arnaud, elle n'oubliait pas Michel de Montsalvy qui avait été son premier, son plus pur amour, un amour quasi divin qui ne s'était vêtu de chair que pour le second des Montsalvy. Elle ne manquait pas, chaque 29 septembre, d'aller aux autels prier pour l'âme du jeune homme si injustement massacré et trouvait une douceur, un apaisement à sa torturante passion, en priant pour le frère bien-aimé d'Arnaud.
L'église Saint-Michel, située au bout de la ville, près du rempart, était une assez triste bâtisse : une tour carrée sur une vieille nef, des bas-côtés de bois, grossières réparations du dernier incendie, mais Catherine trouvait que la prière y était plus facile. Suivant son habitude, elle s'y attarda un moment avec Perrine et la matinée était déjà bien avancée quand elle rentra chez elle.
L'agitation de la rue, les mules et les chevaux qui l'encombraient, les portes de l'hôtel grandes ouvertes et toute la troupe des jeunes apprentis copistes, sortis de chez les parcheminiers voisins, qui bayaient aux corneilles devant les bagages, tout cela lui apprit le retour de son époux. Elle n'en fut pas surprise car elle s'attendait chaque jour à le voir revenir. Seulement contrariée. Elle eût préféré qu'il revînt plus tard dans la journée pour avoir le temps de se mieux préparer à une entrevue dont elle ignorait le déroulement.
Dans le vestibule, elle rencontra Tiercelin qui surveillait l'entrée d'un gros coffre clouté de fer.
— Mon époux m'a-t-il demandée ? fit-elle en ôtant le voile de ses cheveux.
Le majordome salua profondément et secoua la tête.
— Pas que je sache, Madame. Messire Garin est monté directement à son appartement. Je ne l'ai pas encore vu redescendre.
— Il y a longtemps qu'il est arrivé ?
— Une heure environ. Madame veut-elle que je le fasse prévenir ?
— Non, c'est inutile. Je préfère prendre le temps de changer de toilette.
Messire Garin n'aime guère les robes trop simples... ajouta-t-elle avec un sourire en désignant la robe de légère soie blanche qu'elle portait ce matin-là sur une sous-jupe vert feuille.
Rapidement, elle escalada les marches de pierre qui menaient à sa chambre, Perrine sur les talons.
— Viens vite me changer...
Mais, en entrant dans la chambre de Catherine, les deux femmes poussèrent un cri de saisissement. La chambre était transformée en quelque chose de magique et de démentiel, une sorte de caverne d'Ali Baba. Tous les meubles avaient disparu sous un amoncellement prodigieux de tissus merveilleux. Ce n'étaient, sur les fauteuils, les coffres, les tabourets et les crédences, que flots de brocarts de toutes couleurs, moirés d'or, givrés d'argent, brodés de pierres scintillantes, se déversant en une orgie fantastique de couleurs. Tombant du baldaquin, une cascade de blanches dentelles flamandes, de Bruges, de Malines, de Bruxelles, jetait sur tant de couleur sa neigeuse avalanche. Au milieu de la pièce, un gros coffre d'argent, grand ouvert, montrait des flacons d'or, de cristal, de jade et de cornaline qui emplissaient l'air d'un grisant mélange de parfums...
Médusée, Catherine s'avança au milieu de l'extraordinaire floraison soyeuse. Perrine, elle, était restée clouée au seuil de la
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