Il suffit d'un Amour Tome 2
porte, mains jointes et bouche bée. Catherine, en se tournant vers elle, la vit soudain plonger dans une profonde révérence et comprit que Garin approchait. Quelque chose trembla en elle, mais elle fit un effort pour se dominer, avala sa salive et, serrant ses mains sur le cuir doré de son missel, fit face à la porte, bien droite, attendant.
L'instant suivant, Perrine s'était esquivée et Garin était là, sans que Catherine ait pu percevoir son pas dans la galerie. Suivant son habitude, il s'arrêta dans le cadre de la porte, regardant sa femme sans faire un seul geste. Pour une fois, il était vêtu de violet foncé que relevait à peine une mince guirlande d'argent au bord de son pourpoint et de ses manches. Tête nue, il montrait sa courte calotte de cheveux noirs, touchés d'argent vers les tempes. Il n'avait pas encore pris le temps de changer de vêtements. Sa tunique montrait ses longues jambes musclées et ses bottes de cheval étaient couvertes de poussière. Les traits de son visage maigre étaient immobiles.
Jamais il n'avait tant ressemblé à une statue. Il se contentait de regarder Catherine.
Soudain, un léger sourire vint éclairer son visage sombre. D'un geste circulaire, il désigna le délirant décor de tissus.
— Aimez-vous votre chambre ainsi ?
— C'est... c'est merveilleux. Mais, Garin, pourquoi tout cela ?
Il quitta enfin le chambranle de la porte, s'avança lentement vers elle et posa ses mains sur les épaules de la jeune femme.
— Quelque chose me disait que je vous devais une réparation. Ceci est un tribut payé à ma victime, l'hommage que vous offre le remords... Et aussi, cela vous montrera que j'ai pensé à vous...
Tranquillement, sans émotion apparente, il l'approchait de lui, posait un baiser sur son front puis se détournait.
— Le remords ? fit Catherine. C'est un curieux mot dans votre bouche...
— Pourquoi donc ? C'est le mot exact. Je vous ai accusée à tort et je l'ai regretté. J'ai appris, en effet, que vous aviez passé la nuit chez Monseigneur... en toute tranquillité d'ailleurs.
Le détachement du ton qu'il employait irrita la jeune femme.
— Puis-je vous demander qui vous a si bien renseigné ?
— Qui voulez-vous que ce soit, sinon le duc lui- même ? Il m'a dit qu'il vous avait offert l'hospitalité... en tout bien tout honneur. Ma colère était donc injustifiée. Je vous croyais chez un autre et, encore une fois, je vous demande pardon.
— Pourtant, on m'avait vue entrer chez cet autre, n'est-il pas vrai ? Qui vous dit que vous aviez tellement tort ? lança nerveusement Catherine.
Sa colère montait de seconde en seconde. Plus que jamais elle se sentait humiliée, ravalée au rang d'objet de luxe par ce détachement avec lequel Philippe et son argentier discutaient du marché passé entre eux. Garin se mit à rire et haussa les épaules.
Personne, si ce n'est le bon sens... et les dernières nouvelles. Je doute que, prisonnier de vos charmes, le seigneur de Montsalvy agisse comme il le fait en ce moment.
— Que voulez-vous dire ? On m'avait dit qu'il était tombé aux mains des Anglais à la bataille de Cravant. La duchesse Marguerite nous a lu la liste des prisonniers.
— Il était captif, en effet, mais le roi Charles l'a racheté avec un autre seigneur... cet Auvergnat roux qui a un si effroyable accent. Non, je parle de son prochain mariage...
— Quoi ?
Garin affecta de ne pas remarquer la violence avec laquelle Catherine avait jeté le mot. Il avait pris entre ses mains une pièce de satin rayé vert amande et mauve tendre qu'il faisait chatoyer dans la lumière du soleil. Sans regarder sa femme, il ajouta ignorant l'interruption :
— ... avec Isabelle de Séverac, la fille du maréchal. Cette union était, à ce que l'on dit, projetée depuis quelque temps. Les futurs époux sont fort épris l'un de l'autre.... à ce qu'il paraît.
Catherine enfonça ses ongles dans la paume de ses mains pour ne pas se mettre à hurler. La douleur qui la traversait était atroce. Elle devait faire un effort désespéré pour ne pas laisser voir à Garin le mal qu'en quelques mots il venait de lui faire. D'une voix blanche, elle demanda :
— De qui tenez-vous ces nouvelles ? Je ne savais pas qu'en Bourgogne ou à Paris l'on s'occupait si activement de la Cour du roi Charles.
— Mon Dieu si !... Quand l'union est de cette importance. Elle intéresse toute la noblesse quand deux familles aussi anciennes et aussi fameuses s'allient.
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