Il suffit d'un amour
l'Euphrate, les fourrures précieuses, zibelines, hermines, renards et vairs de Mongolie, les selles et harnais de Kirmân, les jaspes de Karashar, les lapis lazulis de Badakhshan, l'ivoire brut des forêts asiatiques, le santal blanc de Mysore. Puis les épices précieuses valant leur poids d'or, gingembre de la Mecque, girofle de Chine, cannelle du Tibet, poivre noir, cubèbe et muscade de Java, poivre blanc de Cipango1, safran de la Caspienne, pistaches de Syrie, le tout enfermé dans des sacs empilés les uns sur les autres. Ces épices dégageaient une odeur enivrante qui faisait tourner la tête de Catherine et serrait ses tempes sous un début de migraine. Cet endroit était comme une caverne fabuleuse dans les profondeurs de laquelle s'allumait parfois l'éclat d'un métal, la couleur d'une étoffe, la blancheur crémeuse d'un ivoire ou le vert glauque d'un objet de jade. Au fond de la dernière pièce, Garin, qui avait refermé soigneusement la porte de la galerie, souleva une simple draperie de toile verte et découvrit une porte basse qu'il ouvrit à l'aide d'une clef prise à sa ceinture. Catherine se retrouva dans la chambre de son mari, derrière le grand fauteuil d'argent et de cristal où elle avait vécu jeune fille, de si pénibles instants.
— J'ai encore d'autres trésors à vous montrer, fit Garin.
Un peu inquiète, elle se laissa guider vers le lit. Garin contourna sa masse imposante, ouvrit une nouvelle porte dissimulée par les rideaux de velours du chevet. Une petite pièce circulaire prise dans une tourelle d'angle, apparut. Trois énormes coffres de fer aux serrures imposantes en occupaient à peu près tout l'espace. Garin posa le chandelier sur une tablette scellée dans le mur, ouvrit l'un des coffres avec un effort qui fit gonfler les veines de son front. L'éclat jaune d'un monceau de pièces d'or se mit à luire dans l'ombre.
1. Japon.
La rançon d'un roi si besoin en était ! commenta Garin avec un sourire oblique. Le second coffre en contient autant. Quant à celui-ci...
Le lourd couvercle se releva, comme un rideau de théâtre sur une féerie de couleurs. Un amas de pierreries, de toutes tailles, de toutes nuances, montées ou non, fulguraient à côté de plusieurs coffrets, soigneusement rangés dans un angle et identiquement couverts de housses en velours violet. Les turquoises de Kirman s'y mêlaient aux perles rondes de Coro- mandel, aux diamants de l'Inde, aux saphirs de Cachemire et aux émeraudes de la mer Rouge. Il y avait aussi des corindons oranges, des aigues-marines d'azur liquide, des opales laiteuses, des escarboucles sanglantes et des topazes dorées, mais pas une seule améthyste.
— Elles sont toutes dans les coffres, expliqua Garin. Personne au monde n'en possède de plus belles, pas même le duc ! Je crois qu'il me les envie un peu...
Il contemplait les pierres, une lueur au fond des yeux. Tout à coup, il parut avoir totalement oublié la présence de Catherine. Le reflet des flammes sur les gemmes colorait son visage d'étranges taches bigarrées qui lui prêtaient l'apparence maléfique d'un démon. Ses mains sèches plongèrent soudain dans l'amas fulgurant, en tirèrent un large collier barbare fait de grosses turquoises, maladroitement taillées, mais énormes, enchâssées dans une sorte de lourd grillage d'or figurant des serpents entrelacés. Avant que Catherine ait pu s'en défendre, Garin avait jeté le collier sur ses épaules. Ses mains, tremblant d'une fièvre soudaine, refermaient sur son cou le fermoir massif. Le collier était si lourd que Catherine eut l'impression d'une chape de plomb tombant sur elle. Il était aussi beaucoup trop large pour tenir tout entier dans le décolleté modeste de la robe en simple velours brun souligné d'une étroite bande de martre que portait la jeune femme. Les mains de Garin tremblaient toujours sur le cou mince.
— Cela ne va pas ! Cela ne va pas ! gronda-t-il entre ses dents.
Il avait l'air égaré. Son œil noir brûlait et les plis profonds marqués autour de sa bouche se creusaient encore. Quittant soudain le fermoir du collier, les mains empoignèrent le décolleté de la robe, tirèrent brutalement. Le tissu se déchira avec un bruit sec. Catherine poussa un cri. Mais la fièvre qui le possédait sembla tout à coup abandonner Garin. Posément, adroitement, ses mains rabattirent la robe déchirée, découvrant audacieusement les épaules et les seins de la jeune femme.
Il eut son étroit
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