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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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demeurer ici quelque temps... ou même définitivement.
    A la surprise indignée de Catherine qui le considérait comme lié à Arnaud, Abou-al-Khayr se confondit en remerciements et accepta. Et comme, un peu plus tard, elle lui en faisait le reproche, il répliqua :
    — Le sage a dit : « Tu serviras plus utilement ton ami dans la maison de son adversaire, mais tu paieras le pain que tu mangeras afin qu'il ne te soit rien reproché ! » Sur ce, et comme Garin s'était retiré, lui- même gagna son appartement pour y dire sa prière du soir.
    La jeune femme se contenta de cette explication. Au surplus, elle était heureuse, malgré tout, qu'il demeurât chez elle. Avoir Abou-al-Khayr sous son toit, c'était l'assurance de parler d'Arnaud avec quelqu'un qui le connaissait bien, qui durant des mois ne l'avait pas quitté. Elle pourrait, grâce au médecin maure, apprendre à le connaître mieux. Il lui dirait sa vie de chaque jour, ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas. C'était un peu du jeune capitaine qui venait d'entrer dans l'hôtel de Brazey. Il allait cesser de n'être qu'un souvenir noyé dans l'ombre de la mémoire, une image inaccessible et douloureuse. La présence d'Abou lui rendait vie et chaleur. L'espoir, si longtemps refoulé, de l'atteindre un jour, renaissait, plus vivace et plus fort.
    Dans la soirée, tandis que ses femmes la préparaient pour la nuit, Catherine prit un plaisir neuf à la contemplation de son propre corps.
    Sara debout derrière elle, peignait longuement les mèches dorées jusqu'à ce qu'elles fussent aussi brillantes que le peigne précieux dont se servait l'ancienne tzigane et, pendant ce temps, trois servantes, après l'avoir lotionnée d'eau de rose, s'activaient à poser divers parfums sur les différentes parties de son corps. C'était Sara qui dirigeait l'opération et avait composé le mélange utilisé par Catherine. Son long séjour chez le marchand vénitien qui l'avait achetée jadis en avait fait une experte parfumeuse. Dix ans dans la boutique d'un apothicaire-épicier, cela laisse le temps d'apprendre, mais il n'y avait que peu de temps que Catherine lui avait découvert ce talent.
    Sur les cheveux et les yeux, la servante posait quelques gouttes d'extrait de violette, sur le visage et les seins de l'iris de Florence, de la marjolaine derrière les oreilles, du nard sur les jambes et les pieds, de l'essence de rose sur le ventre et les cuisses, enfin un peu de musc aux plis de l'aine. Le tout appliqué si légèrement que, lorsqu'elle se déplaçait, Catherine faisait voltiger autour d'elle une brise embaumée, pleine de fraîcheur.
    Le grand miroir poli, précieusement encadré d'or et d'émaux de Limoges, renvoyait une image charmante, rose et dorée, d'un éclat si triomphant que les yeux de Catherine étincelèrent d'orgueil. Sa situation présente, le fait qu'elle était maintenant une femme très riche, lui permettait, au moins, de soigner sa beauté, d'augmenter encore si possible la splendeur de son corps pour en faire l'irrésistible aimant, le piège impitoyable et délicieux où se prendrait l'homme aimé. Elle voulait Arnaud de toute la force de son cœur exigeant mais aussi de toute l'ardeur de sa jeunesse épanouie. Et elle savait aussi que pour l'obtenir, pour le ramener entre ses bras, vaincu et passionné comme la nuit de leur rencontre, elle ne reculerait devant rien. Pas même, si la nécessité venait à s'en faire encore sentir, devant un crime !
    Perrine, la jeune fille qui faisait office de parfumeuse, son ouvrage terminé, se retira de quelques pas, contemplant elle aussi l'adorable forme féminine que le miroir reflétait avec la flamme des bougies de cire fine.
    — Comment notre maître ne serait-il pas éperdument amoureux ?
    murmura-t-elle pour elle-même.
    Mais Catherine avait entendu. L'évocation de Garin, si éloigné de son esprit pour le moment, la ramena brutalement sur terre et la fit frissonner. Étendant la main, elle saisit avec impatience la robe de chambre posée sur un coffre, une sorte de longue dalmatique aux manches très larges qui s'ouvrait bas sur la poitrine et dont le tissu d'or, rebrodé de fleurs fantastiques aux éclatantes couleurs, avait été apporté de Constantinople par une caraque génoise. Elle s'en drapa vivement, glissa ses pieds dans de petites pantoufles assorties faites avec les chutes de tissu, et congédia ses servantes.
    — Sortez toutes ! Laissez-moi !
    Elles obéirent, Sara comme les autres.

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