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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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déjà embrassé tout le tableau – l’ensemble
extraordinaire des possibilités et des conséquences, disposées comme une
mosaïque à l’intérieur de son crâne. Mais si tel était le cas, je ne pus jamais
m’en assurer, car au même instant, sa fille, Tullia, arriva en courant,
toujours en chemise de nuit, afin de lui montrer quelques dessins d’enfant.
Aussitôt, Cicéron reporta toute son attention sur elle, et il la souleva pour
la mettre sur ses genoux.
    — C’est toi qui as fait ça ? Tu as vraiment fait
ça toute seule… ?
    Je le laissai et retournai dans le tablinum pour annoncer
que nous avions pris du retard et que le sénateur devait partir pour le
tribunal. Sthenius ruminait toujours dans son coin. Il me demanda quand il
pourrait espérer une réponse, à quoi je répondis simplement qu’il devrait
attendre avec les autres. Peu après, Cicéron apparut en personne, donnant la
main à Tullia. Il salua l’assistance d’un signe de tête, s’adressant à chacun
en l’appelant par son nom (« la première règle en politique, Tiron :
ne jamais oublier un visage »). Il était impeccable, comme toujours, les
cheveux pommadés et coiffés en arrière, la peau parfumée, la toge lavée de
frais ; les souliers de cuir rouge propres et luisants ; le visage
buriné par des années de plaidoirie en plein air – soigné, mince, en
forme : il resplendissait. Tous le suivirent dans le vestibule, où il
souleva la petite fille pour la présenter à l’assemblée. Puis il la tourna vers
lui et déposa un baiser retentissant sur ses lèvres pour lui dire au revoir. Il
y eut un « Ahhh » prolongé, accompagné de quelques applaudissements
isolés. Ce n’était pas seulement pour amuser la galerie – il aurait
embrassé sa fille de la même façon s’ils avaient été seuls car il aimait la
petite Tulliola plus qu’il aimât jamais quiconque de toute sa vie – mais
il savait que l’électorat romain était du genre sentimental, et qu’une
réputation de père aimant ne pouvait pas lui faire de mal.
    Ainsi nous sortîmes dans le matin de novembre plein de
promesses, pour plonger dans le brouhaha naissant de la ville. Cicéron marchait
devant et je me tenais à ses côtés, une tablette de cire prête à servir ;
Sositheus et Laurea fermaient la marche avec les coffrets à documents contenant
toutes les preuves dont il aurait besoin pour son intervention au tribunal.
Puis, de part et d’autre de notre cortège, cherchant à attirer l’attention du
sénateur tout en s’estimant heureux de profiter de son aura, une vingtaine de
parasites et demandeurs divers descendaient avec nous les pentes ombragées et
respectables du mont Esquilin en direction de la puanteur, de la fumée et du
vacarme de Subura. Là, la hauteur des maisons empêchait le soleil de pénétrer,
et la foule dense écrasa notre phalange de partisans en une file discontinue
qui persista cependant à s’attacher à nos pas. Cicéron était un personnage
célèbre en ce quartier, un héros des commerçants et boutiquiers dont il avait
déjà défendu les intérêts et qui le regardaient passer depuis des années. Sans
qu’il eût besoin de ralentir le pas, son œil bleu et acéré enregistrait chaque
tête baissée, chaque salut de la main, et il était rare que j’eusse à lui
glisser un nom à l’oreille – il connaissait ses électeurs bien mieux
que moi.
    Je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, mais il y avait
à l’époque six ou sept tribunaux qui fonctionnaient de façon quasi permanente,
chacun siégeant dans une partie distincte du forum, de sorte qu’à l’heure de l’ouverture
des séances, on pouvait à peine avancer entre les avocats et les juristes qui
couraient partout. Pour arranger les choses, le préteur de chaque cour arrivait
systématiquement de chez lui précédé d’une demi-douzaine de licteurs pour lui
dégager la voie, et le hasard voulut que notre petit cortège parvienne au forum
à l’instant même où Hortensius – lui-même préteur à l’époque – paradait
en direction du Sénat. Nous fûmes tous retenus par sa garde pour laisser passer
le grand homme. Aujourd’hui encore, je ne pense pas qu’il ait ignoré
intentionnellement Cicéron, car c’était un homme aux manières raffinées,
presque efféminées : il ne l’avait tout simplement pas reconnu. Mais la
conséquence fut que le prétendument meilleur avocat de Rome après lui dut
ravaler le salut

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