Interdit
silencieuse.
— Bon Dieu, marmonna-t-il, pourquoi êtes-vous si
difficile ?
— Bon Dieu, répliqua-t-elle, pourquoi êtes-vous si
borné !
Surpris par la colère inhabituelle d’Ambre, il la regarda,
ahuri.
— Connaissez-vous le nom de cet homme ?
demanda-t-elle.
— Si je le savais, je n’aurais pas à…
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INTERDIT
— Vous souvenez-vous de la prophétie de Cassandra ?
l’interrompit Ambre.
— Laquelle ? rétorqua-t-il. Cassandra répand ses pro-
phéties comme un chêne perd ses feuilles saisies par le gel.
— Vous parlez comme quelqu’un qui n’a jamais regardé
plus loin que le bout de son épée…
— Le maître d’armes a toujours admiré l’ampleur de
ma portée, riposta Erik en souriant.
— Discuter avec vous, c’est comme se battre contre des
ombres, dit-elle, frustrée.
— Cassandra avait pour habitude de dire ceci , bien plus
qu’elle ne disait de jeter des perles aux pourceaux. Elle étant
la sagesse, et moi le pourceau, bien sûr.
Pour une fois, Ambre ne se laissa pas déstabiliser par
son esprit vif et ses mots sarcastiques.
— Écoutez-moi, le pressa-t-elle. Écoutez ce que
Cassandra a prédit le jour de ma naissance.
— Je connais la…
Mais Ambre parlait déjà. Les mots jaillissaient de sa
bouche, contant la prophétie qui était née avec elle pour
jeter une ombre sur sa vie.
— Un homme sans nom pourrait te réclamer, cœur, corps et
âme. Alors, une vie riche pourrait se déployer, mais la mort inéluc-
tablement viendra frapper.
» Dans l’obscurité, il viendra à toi. Si tu le touches, tu connaî-
tras cette vie possible et cette mort qui sera.
» Fais-toi alors comme le soleil, caché dans l’ambre, non touché
par l’homme et ne le touchant pas non plus.
» Sois interdite.
Erik, l’air sombre, regarda tour à tour l’étranger et la
jeune fille. Elle était effectivement comme le soleil capturé
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ELIZABETH LOWELL
dans l’ambre, pareille à des éclats d’or qui se détachent
nettement sur une vérité sombre : un simple contact avec un
autre être humain pouvait lui affliger une douleur
incommensurable.
Et pourtant, il lui demandait de toucher l’étranger. Il
n’avait pas le choix.
— Je suis désolé, dit-il, mais si des espions de Dominic
le Sabre ou du Fléau Écossais rôdent sur les terres de Stone
Ring, je dois le savoir.
Ambre acquiesça lentement.
— Et par-dessus tout, je dois savoir où se trouve le Fléau
Écossais, continua-t-il. Dès que Duncan de Maxwell sera
mort, les propriétés de Lord Robert dans les Terres contes-
tées seront à l’abri des menaces.
Ambre hocha de nouveau la tête, sans pour autant tou-
cher l’homme inerte qui reposait à ses pieds.
— Nul homme n’arrive à l’âge de cet étranger sans un
quelconque nom, dit-il rationnellement. Même les esclaves,
les serfs et les manants ont un nom. Il est idiot de croire à la
prophétie de Cassandra.
Le pendentif flamboyait dans les mains d’Ambre comme
si des flammes y étaient captives. Elle le fixa. Mais elle y
voyait toujours la même chose. Un anneau sacré. Un sorbier
sacré.
L’obscurité.
— Puisqu’il le faut, murmura-t-elle enfin.
Elle serra les dents pour se prémunir contre la douleur à
venir, s’agenouilla près du feu et posa sa paume contre la
joue de l’étranger.
Le plaisir soudain qu’elle ressentit fut si intense qu’elle
retira brusquement sa main en poussant un cri. Puis, en se
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INTERDIT
rendant compte de ce qu’elle venait de faire, elle approcha
doucement sa main de l’étranger pour le toucher de
nouveau.
Spontanément, Erik se posta derrière elle comme pour
la protéger de davantage de souffrance. Puis, il se maîtrisa
et se contenta de l’observer, les lèvres pincées sur sa courte
barbe fauve. Il n’aimait pas causer du mal à Ambre, mais il
aimait encore moins l’idée de tuer un étranger inutilement.
La deuxième fois qu’Ambre toucha l’étranger, elle ne
tressaillit pas. Elle se pencha même délicatement plus près
de lui. Les yeux clos, fermée au reste du monde, elle savou-
rait le plaisir le plus pur qu’elle ait jamais connu.
C’était comme être plongée dans un océan de douces
flammes, caressée par la chaleur, au cœur de la lumière.
Et au-delà de la chaleur dorée de l’océan, le savoir repo-
sait dans l’obscurité.
Il attendait.
Ambre poussa un petit cri. Elle connaissait très peu
d’hommes qui soient aussi
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