Interdit
régu-
lière de l’étranger.
— Je prie pour que vous soyez un inconnu…
murmura-t-elle.
Elle soupira et reprit son ouvrage, caressant doucement
le torse puissant de l’homme. Sa toison masculine l’intri-
guait et lui plaisait à la fois. Elle aimait lisser cet enchevê-
trement piquant sous ses doigts, sentir sa résistance et sa
caresse amusante sous ses paumes.
— Avez-vous retiré vos vêtements afin de pénétrer
dans le cercle sacré et de dormir sain et sauf au pied du
sorbier ?
L’homme laissa échapper un murmure.
— Oui, dit-elle avec enthousiasme. Oh, oui, mon
guerrier. Venez dans la lumière dorée. Laissez l’obscurité
derrière vous.
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INTERDIT
Bien que l’homme ne répondît pas, Ambre exultait. Il
émergeait enfin lentement, très lentement, de son sommeil
anormal. Elle ressentit son plaisir à être ainsi touché,
caressé, aussi clairement que s’il l’avait dit.
Pourtant, toujours aucun souvenir ne lui parvenait de sa
part. Pas d’images, pas de noms, pas de visages.
— Où vous cachez-vous, mon sombre guerrier ?
demanda-t-elle. Et pourquoi ?
Elle écarta du front de l’étranger d’épaisses mèches de
sa chevelure noire et souple.
— Quoi que vous craigniez, vous devez vous réveiller
bientôt. Ou vous serez à jamais perdu dans des ténèbres qui
ne prendront fin qu’avec votre mort.
L’étranger demeura silencieux. Comme si elle avait ima-
giné son murmure un instant auparavant.
Elle se releva péniblement. Dans la coupelle d’encens
fixée au mur, le morceau de gemme en forme de larme était
presque consumé. Elle alluma un autre précieux fragment
prélevé dans sa réserve d’ambre médicinal. Une volute fine
et parfumée de fumée s’éleva dans les airs.
Le corps de l’étranger tressaillit, mais il ne se réveilla
pas. Elle soupira. Et s’il ne se réveillait jamais ? C’était ce qui
arrivait trop souvent à ceux qui étaient frappés par une
pierre, une longue épée ou le sabot d’un cheval. Ils tom-
baient dans un sommeil sans rêves, sans jamais plus se
réveiller.
« Ça ne peut arriver à cet homme. Il est à moi ! »
L’intensité de ses sentiments la surprit. Elle se mit à faire
les cent pas dans sa chaumière, mal à l’aise. Au bout d’un
moment, elle se rendit compte que l’aurore dardait des
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ELIZABETH LOWELL
lances de lumière entre les volets. Au-delà des murs, les
coqs chantaient leur victoire sur la nuit qui se mourait.
Ambre jeta un œil au-dehors par une fente là où les
volets ne se rejoignaient pas. L’orage automnal qui avait été
la perte de l’étranger avait traversé la terre. Dans son sillage
somnolait un monde nouveau, scintillant de rosée et de
possibilités.
D’ordinaire, à cette heure-là, Ambre était dans le jardin,
à ramasser les herbes qu’elle faisait pousser pour Cassandra
et elle. Ou bien elle était au marais pour voir si les volées
d’oies sauvages avaient commencé, et avec elles, la certitude
de l’hiver approchant.
Mais ce jour-là n’avait rien d’ordinaire. Il n’y avait rien
eu d’ordinaire depuis l’instant même où elle avait touché
l’homme sans nom et découvert qu’elle était née pour être
l’âme sœur de cet homme.
Elle retourna près du lit et posa délicatement ses doigts
sur la joue de l’étranger. Il était toujours pris dans les filets
de cet étrange sommeil.
— Mais plus aussi profondément, je crois. Quelque
chose change…
Dehors, les coqs s’étaient tus, indiquant à Ambre que le
soleil se levait comme à son habitude.
— Si vous vous réveillez, je vais vous faire peur. Je dois
être aussi dépenaillée qu’un jardin en hiver.
Ambre se nettoya le visage avec une bassine d’eau
chaude et du savon aux essences naturelles de pin. Elle
enfila une chemise propre en lin, remit ses bas rouges en
place et passa une épaisse robe de laine douce.
Cette robe était également un cadeau de Lord Robert,
par l’intermédiaire de son fils Erik, pour la remercier de
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INTERDIT
fournir sa maisonnée en fines herbes séchées. La broderie
dorée du col contrastait joliment avec la couleur indigo de la
laine. La robe était doublée de lin jaune, qui se voyait par
transparence le long de ses manches et sur l’ourlet de la
robe.
Lorsqu’elle eut fini de s’habiller, le tissu dessinait parfai-
tement les courbes de ses seins, de sa taille et de ses han-
ches. Elle retroussa le bout
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