Interdit
médiéval • tome II
Elizabeth Lowell
Traduit de l’anglais par
Lauriane Crettenand et Sophie Beaume
Pour Marjorie Braman,
dont le sens de l’humour a égayé
une tâche éditoriale d’ordinaire fastidieuse.
c 1
Dans l’obscurité il viendra à toi.
Les mots de la terrible prophétie résonnaient dans
l’esprit d’Ambre tandis qu’elle regardait l’homme nu et
puissant que Sir Erik avait déposé, inconscient, à ses pieds.
Les flammes des bougies vacillèrent, comme appelées
par le vent d’automne qui s’engouffrait par la porte
ouverte de la chaumière. L’ombre et la lumière jouaient sur
le corps de l’étranger, soulignant la force de son dos et de
ses épaules. La neige brillait dans sa chevelure presque
noire, et des gouttes de pluie glacée luisaient sur sa peau.
Ambre frissonna, comme si c’était elle qui était ainsi
dévêtue. Elle leva les yeux vers Erik sans dire un mot. Ses
grands yeux d’or posaient les questions qu’elle ne pouvait
formuler.
Mais cela n’avait pas d’importance, car Erik n’avait pas
de réponses. Il n’avait que le corps inerte de cet étranger
qu’il avait trouvé dans un lieu sacré.
— Le connaissez-vous ? demanda-t-il sèchement.
— Non.
— Je pense que vous vous méprenez. Il porte votre
marque.
Erik retourna l’homme. L’eau et la lueur des bougies
glissèrent sur son torse musclé, mais ce ne fut pas la force
virile et brute de l’homme qui arracha un cri de surprise à
Ambre.
ELIZABETH LOWELL
Ce fut le morceau d’ambre qui flamboyait, contrastant
ainsi avec le noir intense des poils de son torse.
En prenant bien garde à ne pas toucher l’étranger,
Ambre s’agenouilla à ses côtés, une bougie à la main. Elle
voulait étudier le talisman. D’élégantes runes avaient été
gravées dans la pierre précieuse. Elles confiaient le porteur
du pendentif à la protection des Druides.
— Retournez le pendentif, dit-elle à voix basse.
Erik s’exécuta. De l’autre côté du talisman, des mots
latins, transcrits en forme de croix, proclamaient la gran-
deur de Dieu et demandaient Sa protection. C’était une
prière chrétienne que portaient souvent les chevaliers partis
en Terre Sainte combattre les Sarrasins.
Ambre soupira de soulagement. L’étranger n’était pas
un sorcier noir venu sur les Terres contestées pour y semer
la terreur. Pour la première fois, elle considéra l’étranger
comme un homme, et non comme un objet qu’on lui ame-
nait pour qu’elle y décèle vérité ou traîtrise.
Où qu’elle porte son regard, la puissance de cet homme
la narguait. C’en était déroutant. Seuls ses cils, épais et légè-
rement recourbés, et ses lèvres superbement dessinées pou-
vaient témoigner d’une quelconque délicatesse.
L’étranger était beau comme l’est un guerrier. Il avait la
beauté d’un orage plutôt que la beauté d’une fleur. Sur son
corps, des ecchymoses, des coupures et des éraflures
récentes se mêlaient à des cicatrices survenues lors d’autres
combats plus anciens. Ces marques sur son corps ne dimi-
nuaient pas son aura de pouvoir viril, mais au contraire le
rehaussaient.
Bien qu’il n’ait pas d’autres possessions que son talisman,
pas même de quoi se couvrir, Ambre savait que c’était un
homme sur lequel on pouvait compter.
2
INTERDIT
— Où l’avez-vous trouvé ? demanda-t-elle.
— À Stone Ring.
— Comment ? s’écria-t-elle en relevant vivement la tête.
Elle avait du mal à y croire.
— Vous m’avez très bien entendu.
Ambre attendait des explications, mais Erik se conten-
tait de la fixer avec le regard déterminé d’un loup.
— Ne m’obligez pas à vous questionner, dit-elle, exas-
pérée. Parlez !
Les traits durs d’Erik se changèrent en un sourire
amusé. Il enjamba le corps de l’étranger pour fermer la
porte, mettant un terme à l’errance du vent froid automnal
dans la pièce.
— Vous auriez du vin chaud pour un vieil ami ?
demanda-t-il en souriant. Et une couverture pour couvrir
l’étranger ? Il fait trop froid pour rester ainsi à découvert,
qu’il soit un ami ou un ennemi.
— Bien sûr, monseigneur. Vos désirs sont des ordres.
La causticité de la voix d’Ambre était aussi incontestable
que son affection sous-jacente. Sire Erik était le fils et l’héri-
tier d’un grand comte écossais, mais curieusement, elle
s’était toujours sentie à l’aise avec
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