Interdit
du froid,
expliqua-t-elle.
— Je comprends. Mais il me serait plus facile d’ordonner
sa mise à mort s’il n’était pas considéré comme un invité
chez vous. Et dans votre lit qui plus est.
Ambre le fixa, choquée.
Le sourire qu’il lui adressait était aussi froid que le vent
qui soufflait au-dehors.
— Pourquoi condamneriez-vous un étranger trouvé
dans le bosquet sacré ?
9
ELIZABETH LOWELL
— Je le soupçonne d’être un chevalier de Duncan de
Maxwell, venu espionner nos terres.
— Alors la rumeur dirait vrai ? Un Normand aurait
accordé à son ennemi saxon le droit de régner sur le château
de Stone Ring ?
— En effet, répondit amèrement Erik. Mais Duncan
n’est plus l’ennemi de Dominic. Le Fléau Écossais lui a juré
allégeance à la pointe d’une épée.
Ambre détourna le regard. Elle n’avait pas besoin de
toucher Erik pour connaître l’étendue de sa rage. Duncan
de Maxwell, le Fléau Écossais, était un homme à la fois
bâtard et sans terres. On ne pouvait rien changer à sa bâtar-
dise, mais, en revanche, Dominic le Sabre lui avait accordé
le droit à la propriété en lui offrant de régner sur le château
de Stone Ring et des terres qui l’entouraient.
Or, Stone Ring faisait partie des propriétés d’Erik.
Erik, qui avait combattu hors-la-loi, bâtards et cousins
ambitieux pour obtenir le droit de gouverner les diverses
terres de Lord Robert dans les Terres contestées. Et il allait
certainement devoir se battre encore… C’était ainsi, dans
les Terres contestées : la propriété revenait toujours au plus
fort.
— Quels vêtements avez-vous trouvés avec l’étranger ?
s’enquit-elle.
— Je l’ai trouvé tel quel. Nu.
— Alors ce n’est pas un chevalier.
— Tous les chevaliers ne sont pas revenus du combat
contre les Sarrasins couverts d’or et de pierres précieuses.
— Certes, mais même le chevalier le plus pauvre
possède une armure, des armes, un cheval et des habits,
protesta-t-elle. Quelque chose !
10
INTERDIT
— Il possède quelque chose.
— Quoi donc ?
— Le pendentif. Le reconnaissez-vous ?
Ambre secoua la tête. Sa chevelure semblait brûler aussi
intensément que le soleil.
— Avez-vous déjà vu ou entendu parler d’une telle
chose ? insista-t-il.
— Non.
Erik laissa échapper un soupir explosif qui était aussi
un juron.
— Cassandra en saura peut-être plus, hasarda-t-elle.
— J’en doute.
La pièce semblait froide malgré le feu qui brûlait. Ambre
avait l’impression qu’un piège se refermait sur elle. Douce-
ment, mais sûrement.
Erik s’en était remis à elle comme souvent auparavant. Il
cherchait à connaître la vérité sur un homme qui ne pou-
vait ou ne voulait la dire lui-même. Par le passé, Ambre
avait appris tout ce qu’elle pouvait de toutes les manières
possibles.
Même par le toucher.
La douleur qu’elle ressentait chaque fois qu’elle touchait
un être humain était un faible prix à payer pour remercier
le fils d’un comte qui avait été si généreux envers elle.
Toucher un homme ne l’avait jamais effrayée auparavant.
Pourtant, ce soir-là, elle tremblait de peur.
La prophétie qui avait accompagné sa naissance frémis-
sait dans l’air, comme la corde d’un arc que l’on vient de
lâcher… et Ambre craignait la mort qu’allait provoquer sa
flèche invisible et fatale.
11
ELIZABETH LOWELL
Cependant, elle voulait toucher l’étranger. Ce désir se
faisait de plus en plus pressant, oppressant même, lui per-
mettant à peine de respirer. Elle avait besoin de le connaître.
Jamais elle n’avait eu tant besoin de connaître quelque
chose — pas même son vrai nom, ses parents perdus, ou
son héritage caché.
Ce besoin féroce l’effrayait plus que tout. L’étranger l’ap-
pelait dans son silence, fredonnait à son oreille d’une voix
que nul ne pouvait entendre, l’attirait d’une force telle qu’elle
ne pouvait l’ignorer.
— Cassandra en sait plus que vous et moi réunis, dit-
elle fermement. Nous devons l’attendre.
— À votre naissance, Cassandra vous a nommée
Ambre. Vous pensez que c’était un caprice ?
— Non, murmura-t-elle.
— Cassandra savait que vous seriez capable de maî-
triser l’ambre d’une manière qu’elle ne pourrait jamais
égaler.
Ambre détourna son regard de celui, intense, d’Erik.
— Niez-vous que cet étranger porte votre marque ?
Elle demeura
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