Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Jacques Cartier

Jacques Cartier

Titel: Jacques Cartier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri-Emile Chevalier
Vom Netzwerk:
des ancres, des armes rangés ça et là ou accrochés à la muraille, ou suspendus au plafond. Une table massive, carrée, luisante, en bois bruni par l'âge et flanquée de deux bancs solides à défier la pesanteur d'un Gargantua, occupe tout le milieu de la pièce et réfléchit les capricieuses clartés réverbérées par une large et profonde cheminée, dans laquelle, sur un âtre plus élevé que le sol de la pièce, flamboient, en pétillant avec bruit, deux troncs de châtaignier, couchés horizontalement l'un contre l'autre. De là, ces rayons fantastiques vont se réfléchir sur une immense vaisselière, chargée de bassines en cuivre et de faïences coloriées qui renvoient la lumière jusqu'au fond de la salle où l'on distingue un lit monumental.
    Ce lit ressemble à une armoire sans battants ; ses épaisses cloisons sont couvertes de sculptures, aux arêtes desquelles se joue la lumière, qui vient mourir enfin par l'ouverture de l'alcôve, en jetant un dernier reflet sur un grand Christ d'ivoire, fixé au fond et dont l'aspect, dans cette pénombre flottante, impose à l'esprit de hautes et graves pensées.
La pièce sert à la fois de cuisine, salle à manger, de travail, de réception et de chambre à coucher. On y sent circuler cet air patriarcal si rare aujourd'hui et qu'il fait si bon respirer.
En épousant Catherine Desgranches, en 1519, Jacques Cartier avait fait meubler, à l'étage supérieur, un dans un goût plus moderne et plus en harmonie avec sa fortune. Il l'avait même habité du vivant de ses père et mère ; mais, après le décès de ceux-ci, il était revenu s'installer dans la salle où avaient vécu et étaient morts ses ancêtres. Il espérait bien, lui aussi, y rendre l'âme à son créateur, si la mer, sa perfide maîtresse, lui en laissait le choix.
Huit heures venaient de sonner au beffroi du château.
Cartier, sa famille et quelques hôtes étaient groupés près du feu.
Assis dans une chaire en jonc, dans le coin de droite, sous le manteau de la cheminée, notre marin causait avec un brillant seigneur placé près de lui, sur un siège aussi primitif.
Ce seigneur était Charles de Mouy, sieur de la Meilleraye, vice-amiral de France.
Vis avis de Cartier, dans l'autre angle de la cheminée, on remarquait sa femme, Catherine Desgranches, qui achevait de tricoter un long bas de laine, mais dont les yeux rougis, les paupières gonflées par les larmes, annonçaient que, si ses doigts besognaient agilement, son imagination était absorbée par des réflexions bien étrangères à son modeste travail.
    Près d'elle se tenaient Antoine Desgranches, son frère ; Marc Jalobert, son beau-frère, et Me Julien Lesieu, notaire royal de la cour de Rennes. Derrière eux, la nourrice de dame Catherine, la mère Manon, filait à la quenouille, en marmottant des patenôtres ; le timonier de Jacques Cartier, Jean Morbihan, raccommodait une paire de bottes de pêche ; un domestique, Charles Guyot, faisait des filets ; puis un gourmette [On dit mousse aujourd'hui : mais cette dénomination, qui semble venir du hollandais, ne fut pas adoptée chez nous avant le milieu du dix-septième siècle.
Tous ces personnages, avec leurs physionomies et leurs costumes si caractéristiques, tous ces objets, diversement frappés par des jets vagabonds de lumière et d'ombre, enraient un spectacle saisissant, que dominait la belle et mâle figure de Jacques Cartier, ressortant comme dans une auréole aux rayonnements du foyer.], le jeune Lucas, dit Saute-en-l'Air, fourbissait, en baillant, le poignard de son maître. Enfin, à un bout de la pièce, devant une petite lampe, aux lueurs fuligineuses, s'agitait une servante, en train de ranger de la vaisselle sur une étagère.
Il touchait à sa quarantième année. C'était un homme dans toute la force de la maturité, d'une stature moyenne et bien prise, nerveuse, vigoureusement constituée. Son visage était expressif, très-accentué, et la teinte brune que le haie de la mer y avait empreinte ajoutait encore à l'énergie de ses traits secs, même anguleux. Il avait le regard profond, un peu dur, les sourcils rapprochés, les joues maigres, presque creuses ; le nez long, recourbé comme le bec d'un oiseau de proie, la lèvre inférieure légèrement proéminente ainsi que le menton.
    Il portait toute sa barbe, roussâtre et clair-semée. Le haut de sa tête, couronné par un front spacieux, sillonné de quelques rides, annonçait la promptitude, la

Weitere Kostenlose Bücher