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Jacques Cartier

Jacques Cartier

Titel: Jacques Cartier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri-Emile Chevalier
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l'aurez apprise, sans nul doute, avant de lire ce récit, je ne prends, chère cousine, aucune précaution oratoire pour vous la répéter. Nos compagnons nous instruisirent donc de la disparition de ce tant bon et tant brave Jean Morbihan. Il y avait dix jours qu'il manquait à l'appel. On ne savait ce qui lui était advenu, non plus qu'à un des prisonniers, nommé Philippe, homme adroit, expert en toutes choses, de bel air, de grandes manières, courageux comme un lion, et qu'on prétendait être le chef de ces Tondeurs qui faisaient tant de mal dans Saint-Malo avant notre départ. J'ignore si le fait est vrai, mais le bruit courait parmi les mariniers que ce bandit n'était pas autre chose non plus que le fameux Georges de Maisonneuve, ce gentilhomme prodigue et libertin dont vous avez si souvent ouï parler. Ma foi, par moment, sous ses haillons, il avait bien la mine arrogante d'un haut seigneur ! Après tout, ce sont rumeurs sans portée. Tous les hommes, les nôtres surtout, ont l'amour du merveilleux. Je suis sûr que le sire de Maisonneuve rirait très-fort, avec ses amis, s'il apprenait jamais cette histoire ! Laissons-la pour ce qu'elle vaut et songeons plutôt au malheureux Jean Morbihan. Ah ! je l'ai pleuré de toutes les larmes que vous verserez sur son sort, douce cousine. D'abord, on espéra le retrouver. Le capitaine fit faire des recherches minutieuses. Chacun s'y prêtait avec ardeur ; car, qui ne le chérissait, ce brave père Jean ! Mais tout a été inutile. Il n'a point reparu. On n'a pas découvert une seule trace de lui.
    Nous en sommes réduits à des conjectures. Peut-être a-t-il été enlevé par les sauvages ? Peut-être est-il tombé dans le fleuve où il se sera noyé ?
«Quoi qu'il en soit, sa perte a si vivement affligé mon oncle Jacques, qu'à travers toutes les afflictions dont il a plu à la Providence de l'accabler, il ne passe pas de journée sans regretter son vieux serviteur ! Ah ! votre pauvre père adoptif a été pitoyablement éprouvé, ma plus aimée ! Mais, comme Job, il a courbé la tête sans murmurer, sans accuser la destinée. Notre capitaine est un homme d'une vertu antique. Il ressemble à ces héros de Plutarque, dont j'ai traduit la vie glorieuse. Lui, si doux, si compatissant aux maux des autres, il est ferme, comme le rocher de Saint-Michel, pour ceux qui le touchent. Rien ne paraît l'ébranler. Pourtant, ma cousine, vous savez comme moi que, si son esprit est un foyer brûlant d'intelligence, son coeur est un trésor de sensibilité. On ne peut s'empêcher de l'aimer et de l'admirer. Il souffre intérieurement, je le vois trop. Son âme est en proie à des angoisses affreuses ; son corps a même pâti de privations grandes. Mais maître Jacques demeure impassible. Sur son front règne toujours une sérénité inaltérable. Deux fois seulement, j'ai cru surprendre en lui quelques signes d'émotion. C'est d'abord en embrassant, avec son oeil d'aigle, le pays que l'on aperçoit du haut de Mont-Royal, puis en recevant avis de la disparition de l'infortuné Morbihan.
«Pauvre bon père Jean, il avait déjà si activement poussé les travaux qu'un véritable retranchement était élevé pour protéger nos navires dans le havre de Sainte-Croix. Ce retranchement est en bois. Il se compose de gros pieux, enfoncés dans le lit de la rivière, tout à l'entour des vaisseaux.
    Sa forme est celle d'un ovale. La Grande-Hermine, la Petite-Hermine et l'Émerillon sont enfermés dans cette enceinte, crénelée, garnie de canons et de meurtrières. En avant le cours d'eau, large d'un trait d'arbalète, sert de fossé. De l'autre, on a creusé une espèce de douve, qu'on franchit par un pont-levis, pour se rendre à la terre ferme.
«Nous sommes donc, grâce à Jean, très-bien défendus contre les hostilités des sauvages. C'est heureux, car leurs intentions deviennent de moins en moins amicales. Mon oncle les soupçonne, avec raison, je crains, de conspirer contre nous, à l'instigation de ce Taignoagny, que nous avions, il vous en souvient, amené en France en revenant de notre premier voyage au Canada.
«Mais, apportons un peu de méthode dans cette narration, et consignons-y quelques dates.
«Le lendemain de notre arrivée à Sainte-Croix, Taignoagny et Domagaia nous firent visite avec plusieurs autres Canadians. Ils se confondirent en protestations d'amitié. M'est avis toutefois que c'était pour nous mieux leurrer. Sur leur invitation, le jour suivant, 13

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