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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cœur, devenait son fils au même titre que Roselys était sa fille ! Elle les confondait dans la même expansion d’amour, elle les eût voulu tous deux ensemble dans ses bras, souriants, heureux, dût-elle mourir l’instant d’après…
    Et cette adorable idylle de son cœur fleurissait dans le sang du vaste carnage, sous les rafales des clameurs, parmi les tumultueux tourbillons d’humanité emportée par la tempête.
    En de soudaines visions qui s’échafaudaient et se démolissaient brusquement comme des images de rêves, s’édifiaient les ruées des bandes populaires par delà lesquelles Hardy de Passavant tantôt lui apparaissait, faible forme lointaine devinée par son cœur plutôt que vue par ses yeux, et tantôt sombrait entre deux hautes vagues d’émeute. Et c’était le fulgurant passage de l’escadron d’Armagnac étincelant d’acier.
    Elle marchait, épave ballottée, rejetée d’un bord de rue sur l’autre ; elle rasa l’Hôtel Saint-Pol comme une mouette qui péniblement rase une falaise, et brusquement ce fut la formidable collision des Armagnacs et des Bourguignons. Elle était près d’atteindre Passavant. Et encore, Passavant lui échappait, bondissant vers elle ne savait quel but, au cri de : « Hardi pour la dame d’Orléans !… » Et Laurence, bloquée par la furieuse bataille, par l’inextricable enchevêtrement des chevaux, fixait son regard éperdu sur la porte Saint-Antoine en murmurant : « Oh ! il cherche à sortir de Paris ! Il va fuir ! Roselys le reverra-t-elle jamais ? »
    – Passavant ! Passavant ! Mon fils ! appela-t-elle dans un grand cri.
    Une clameur lui répondit et s’épandit, grondante, fusant soudain en un hurlement terrible des Bourguignons ; la porte l’énorme porte Saint-Antoine s’ouvrait. À grand fracas, le pont-levis s’abattait ! La bande des Écorcheurs avait massacré le poste tandis que Polifer, Passavant, Tanneguy du Chatel et une centaine de démons formaient devant Jean sans Peur et ses gens une infranchissable barrière. Les survivants des Armagnacs franchissaient la porte, entourant la litière de la dame d’Orléans saine et sauve, troupe grondante, sanglante, terrible encore, qui prit au pas la route du Nord…
    – Victoire ! victoire ! hurlèrent les Bourguignons.
    Mais Jean sans Peur, dressé sur ses étriers, regardait s’éloigner Armagnac et murmurait :
    – Tant que cet homme vivra, je mettrai en doute ma victoire.
    Et alors, d’un mouvement de rage convulsif, il détourna la tête, leva sa large épée sanglante et cria :
    – À l’Hôtel Saint-Pol !…
    Ce fut un cri d’orgueil et de triomphe. Il allait entrer en conquérant dans cet Hôtel Saint-Pol où il saisirait la couronne de Charles en attendant l’heure où, dans la cathédrale de Reims, il deviendrait l’oint du Seigneur. Et la foule de ses guerriers le comprit. Car tous, ivres de carnage, ivres des honneurs et des jouissances qui les attendaient, d’une même voix puissante, tragique à force de volonté furieuse, crièrent :
    – Vive le roi !…
    Dans ce moment, le regard de Jean sans Peur tomba sur le chevalier de Passavant !…
    Jean sans Peur eut un étrange hochement de tête. Il lui sembla d’abord que, de voir là cet homme qu’on avait entraîné à l’échafaud, cela ne lui causait qu’un médiocre étonnement. Ce n’était qu’un incident au milieu des rêves tumultueux de cette journée. Puis, brusquement, s’abattit sur lui cet étonnement qu’il niait et qui le pétrifiait. Puis une rage spasmodique le secoua. Il allongea son bras tremblant vers le chevalier et gronda :
    – Passavant ! L’infernal Passavant !…
    Autour de lui, on vit son geste sans comprendre ce qu’il disait. Plus loin, les guerriers hurlaient :
    – À l’Hôtel Saint-Pol ! Vive le roi de Francs et de Bourgogne !…
    Un vaste mouvement se produisit. Les chevaliers bourguignons, d’une irrésistible impulsion, se mettaient en marche vers l’Hôtel Saint-Pol, poussant devant eux le chef, le maître, le roi ! leur roi, qu’ils eussent massacré s’il eût résisté à la furie d’impatience qui les affolait… poussant donc Jean sans Peur, et en avant de Jean sans Peur, une foule parmi laquelle Passavant, Tanneguy, Polifer et une cinquantaine d’Écorcheurs.
    Tout s’engouffra dans l’Hôtel Saint-Pol.
    Et alors s’éleva l’immense clameur de triomphe à laquelle succéda le hurlement de la furieuse

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