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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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aux cuisines.
    – Sire, dit-il, ces trois vénérables ermites vont se fatiguer au service de Votre Majesté. Il est donc juste et même nécessaire de les réconforter par quelque victuaille de haut goût.
    – Bien, dit le roi avec une évidente satisfaction. Va, et ne ménage rien.
    – Et n’oublie pas la buvaille ! cria Brancaillon.
    Le roi donc, étant assis dans son fauteuil, les yeux fermés, la tête appuyée au dossier, nos trois compères se mirent en ligne devant lui et étendirent leurs mains. Bruscaille prononça une longue invocation à la fin de laquelle le roi, d’une voix fervente, répondit : « Amen. »
    Puis, se plaçant l’un derrière l’autre, les ermites, lentement, firent trois fois le tour du fauteuil en récitant une prière. Seul, Brancaillon, qui n’avait pas de mémoire, remplaça les verbes latins par un jargon de sa composition – et cependant il louchait vers la porte pour voir si la victuaille et la buvaille n’arrivaient pas. Ayant fini leurs évolutions, ils frappèrent trois fois dans leurs mains, et Bruscaille, d’une voix terrible, cria :
    – Au nom de Dieu tout-puissant, démon qui habite ce corps, je t’ordonne d’en sortir à l’instant !
    Bragaille répéta cet ordre d’une voix non moins redoutable. Mais Brancaillon, après avoir attendu une minute, au lieu de répéter à son tour, se contenta de dire :
    – Il ne sort pas ! Ah ! par les boyaux du pape, si jamais je mets la main sur lui !…
    – Imbécile ! grogna Bruscaille.
    – Messire, dit Charles en entrouvrant un œil, j’ai fini mes douze « pater ».
    Bruscaille et Bragaille se regardèrent. Ils n’avaient pas prévu ce genre d’observation.
    – Ah ! fit Bruscaille, le roi a déjà fini ses douze « pater » ! Que faire ?
    – Que faire, par la tête et le ventre ! gronda Bragaille.
    – J’ai trouvé ! dit Brancaillon. Sire, vous avez fini vos douze « pater » ? Eh bien, recommencez-les !
    Il y eut un cri de joie et de soulagement. Seul, Charles, à qui ses douze premiers « pater » paraissaient sans doute suffisants, jeta un regard de reproche à Brancaillon. Mais résigné et tenace comme tout malade qui veut et espère la guérison, il referma les yeux et recommença « in petto » sa monotone complainte.
    Bruscaille, alors, se plaça derrière le fauteuil, et imposa les deux mains sur la tête du roi. En même temps, Bragaille se plaçait à gauche, face à Bruscaille, et imposa la main droite. Brancaillon, placé à droite, imposa la main gauche. Dans cette position, les trois ermites commencèrent un chant latin que Brancaillon, naturellement, remplaça par une chanson bachique. Puis, chacun des trois, à tour de rôle, intima au démon qui habitait le corps du roi l’ordre d’avoir à déguerpir.
    Sans doute ledit démon avait l’oreille dure, ou bien il était d’humeur récalcitrante, car, pour la deuxième fois, Brancaillon s’écria :
    – Il ne veut pas sortir, le mauvais bougre ! Ah ! si jamais je le tiens… je l’assomme !
    Et il montra son poing.
    Bruscaille, faisant le tour du fauteuil, se plaça devant le roi, allongea le bras jusqu’à toucher la poitrine du patient ; puis, ce bras, il le ramena à lui violemment comme s’il eût vraiment attiré un être ou un poids quelconque ; il recommença ce mouvement une centaine de fois avec une vitesse et une vigueur telles que bientôt il fut en nage. Il s’essuya le front et dit :
    – Je suis à bout. À vous, révérend Bragaille, et tâchez de soutirer l’infâme drôle qui refuse de sortir.
    Bragaille entreprit aussitôt le même geste, et toujours avec la même énergie, la même précipitation.
    – À vous, messire Brancaillon ! dit-il enfin, essoufflé.
    Brancaillon commença, avec une force non exempte de quelque élégance. Il allongeait le bras, et tirait. Bientôt ce fut aussi la langue qu’il tira. Bientôt commença la bordée de jurons ; d’une voix sourde d’abord, puis d’une voix de tonnerre, il invectiva le démon qui s’obstinait à ne pas sortir, cependant que les deux autres ermites nasillaient une oraison. Tout à coup le roi se leva, irrésistiblement attiré, et Brancaillon hurla :
    – Victoire ! Je le tiens !
    Charles poussa un cri. Brancaillon stupéfait recula, tout effaré…
    – Triple bélître ! vociféraient Bruscaille et Bragaille. C’est notre bon sire que tu as saisi par la poitrine ! Ah ! le triste ermite qui ne sait

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