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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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conduit dans une chambre du palais du roi par quelqu’un à moi. Là, tu attendras deux jours, trois jours, autant de jours qu’il faudra. Sois tranquille, on ne t’y laissera pas mourir de faim, et tu auras de mes nouvelles tous les matins. Seulement, tu seras prêt à toute heure, à toute minute du jour et de la nuit, prêt à exorciser le roi.
    – À exorciser !… Moi !…
    – Allons, ne fais pas la bête, dit sérieusement Isabeau.
    Le colosse frissonna. Toutes les fois qu’Isabeau lui avait parlé de cette voix sérieuse, des choses terribles s’étaient préparées. Mais cette fois, l’étonnement l’empêcha de dériver à la terreur. On lui demandait d’exorciser ! Il ne put s’empêcher de rire. La reine le regarda de son œil inexprimablement clair.
    – Tu surveilleras donc les ermites, reprit-elle, et au besoin, tu les aideras au moment voulu. Mais surtout, tu t’occuperas de la demoiselle de Champdivers…
    Elle frissonna à son tour et pâlit. C’était ainsi toutes les fois qu’elle prononçait ce nom.
    – La demoiselle ! murmura Bois-Redon. Diable ! Oh ! oh ! Je commence à comprendre…
    Isabeau, le menton dans la main, les yeux perdus au loin, parlait d’un accent très doux et monotone :
    – Tosant, disait-elle, Tosant et Lancelot étaient sur le point d’exorciser le roi. Tout serait fini maintenant. Le roi avait saisi la coupe, et il allait boire. C’était la guérison assurée. La demoiselle de Champdivers entra, s’empara de la coupe et la vida dans les cendres… Tout est à recommencer.
    Sous la douceur de la voix grelottait la haine. Ces accents funèbres, ces inflexions caressantes comme l’étreinte d’un serpent qui bientôt va se resserrer et devenir mortelle, Bois-Redon les écoutait, les reconnaissait, et il tremblait en lui-même. Isabeau continuait :
    – Les gens de Bourgogne ont essayé de sauver le roi en s’emparant de l’intrigante : ils ont tué Champdivers et la gouvernante, mais la demoiselle Odette est restée. J’ai continué la bataille, moi. J’ai envoyé ma tigresse contre l’intrigante. Impéria est revenue demi-morte, mais la demoiselle Odette est restée. Les ermites sont venus pour sauver le roi, mais la demoiselle Odette n’a pas voulu.
    Elle leva vivement les yeux sur Bois-Redon et ajouta :
    – Là où ont échoué les hommes de Jean sans Peur, là où a été vaincue Impéria, tu réussiras, toi.
    Bois-Redon vacilla sur sa base.
    Il avait tout à fait compris !…
    On lui demandait de tuer Odette de Champdivers !…
    – Oui, dit le capitaine en essuyant quelques gouttes de sueur sur son front.
    – Il n’est plus question de l’enlever de l’Hôtel Saint-Pol pour la détenir en l’hôtel de Bourgogne. Il n’est plus question non plus d’éviter un meurtre dans le palais du roi. Bois-Redon, je te demande cette preuve de ton amour. Tu deviens mon chevalier. Je te lance contre la fée malfaisante qui veut ma mort. Va, mon chevalier ; va, mon capitaine ; va, mon cher amant ; va et délivre-moi ! Va, et frappe !
    Elle continuait à parler doucement, sans éclat de voix. C’est avec des inflexions d’amour et de caresse qu’elle disait ces choses. Bois-Redon haletait. Il eut à ce moment tué tout ce qu’aurait voulu Isabeau.
    Il ouvrit les bras d’un mouvement rude.
    Isabeau se déroba, mais elle sourit, et ce sourire acheva de bouleverser Bois-Redon. Elle reprit :
    – Donc, tu la frapperas. Tu la frapperas à mort. Que ce soit une bonne fois fini ! gronda-t-elle soudain furieuse et les yeux pleins d’éclairs. Que si les gens du palais foncent alors sur toi, ne t’inquiète pas, car…
    – Ah ! par la mort du Christ ! cria Bois-Redon ivre de son amour et de la rage de tuer, qu’ils y viennent, ceux-là !… Une femme, par les plaies ! Une fille, par l’enfer ! J’aurais pu…
    – Quoi ! Quoi donc ! rugit Isabeau.
    – J’aurais pu hésiter ! hurla Bois-Redon déchaîné. Mais je n’hésite pas, reine ! Je vais la frapper, la tuer, et ce sera proprement fait, d’un seul coup en plein dans le cœur ! Et quant aux autres…
    Il y eut un éclat de rire qui fit grelotter les vitraux dans leurs mailles de plomb.
    – Viens, mon brave. Viens sauver ta reine, ton amante, et quant au roi, écoute…
    Ils arrivaient dans la grande galerie déserte.
    – Le roi ? songea-t-il en pâlissant. Tout ce qu’elle veut, oui, mais le roi !… Diable !…
    – Les ermites, disait

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