Jean sans peur
avait déposé sur la table de marbre, et suivit le chevalier. Au moment où celui-ci allait franchir la porte, Saïtano lui remit le coffret.
– Qu’y a-t-il dans ce coffret ?
– La dot de Roselys ! répondit le sorcier.
Et la porte se referma. Passavant effaré entendit à l’intérieur un bruit de ferrures qu’on poussait.
– La dot de Roselys ! murmura-t-il en frémissant.
Soudain une sorte de colère s’empara de lui. Il se mit à frapper du poing sur la porte, en criant :
– Roselys ! Vous m’aviez promis de me conduire à elle ! Où est-elle ! Si vous êtes un homme, si vous avez un cœur comme je l’ai cru tout à l’heure, répondez ! Où est Roselys !…
Et Passavant entendit le sorcier Saïtano qui lui répondait :
– Allez à l’Hôtel Saint-Pol, et demandez Roselys à Odette de Champdivers…
Le chevalier fut secoué d’un long tressaillement ; puis la stupeur, la crainte l’immobilisèrent, des pensées étranges se levèrent dans son esprit. Il cherchait en vain à se calmer. Mais sans doute il fût resté longtemps devant cette porte, si une main lourde, tout à coup, ne se fût posée sur son épaule. Il se retourna en criant nerveusement :
– Qui va là ! Au large !…
– Eh ! par le diable, ne reconnaissez-vous pas Tanneguy du Chatel ?
– Vous !… Comment…
– Je vous ai suivi. J’attendais votre départ de cette maison diabolique. Je commençais même à trouver que vous étiez bien long, et j’allais heurter au marteau.
Passavant se taisait. Il était encore sous le coup de l’impression que lui avait causée l’étrange réponse de Saïtano.
– Venez, reprit Tanneguy du Chatel. Vous êtes sauf, c’est l’essentiel. Mais que diable tenez-vous dans vos mains ?… Un coffret ?…
– Oui, dit Passavant avec un rire bizarre, c’est la dot de Roselys.
– Roselys ? fit le capitaine effaré.
– Roselys que je dois aller demander à Odette de Champdivers…
– Du diable si…
– À l’Hôtel Saint-Pol ! acheva Passavant.
À ce mot, Tanneguy du Chatel se renfrogna.
– Mon jeune ami, grogna-t-il, vous vous êtes conduit envers moi en vrai chevalier et vous m’inspirez une amitié à laquelle je ne résiste pas. Cela vaut un conseil, je vais vous le donner.
– Non, vendez-le moi.
– Hein ?
– Oui. Une idée que j’ai. Je ne puis supporter qu’on me donne un conseil. Alors, vous comprenez, je vous l’achète, surtout s’il est bon.
Et Passavant, se prenant à rire du bout des dents, se mit en route, escorté de Tanneguy tout ébaubi.
– Quel diable d’homme êtes-vous ? fit le capitaine. Quoi qu’il en soit, voici le conseil : évitez de jamais entrer à l’Hôtel Saint-Pol.
– C’est ce qu’on m’a déjà dit. C’est ce que je me suis dit moi-même. Et pourtant, j’irai. Votre conseil ne vaut rien, mon cher, mais je prise la bonne intention qui l’a dicté. Allons.
La route se fit en silence. Lorsqu’ils eurent atteint l’auberge de Thibaud, lorsqu’ils furent enfermés dans la chambre qu’ils s’étaient disputée la rapière au poing et qu’ils partageaient fraternellement, le chevalier posa le fameux coffret sur la table et murmura :
– Dot de Roselys !…
Tanneguy du Chatel regardait curieusement. Il frappait du pied, tournait autour de la table, mâchait des jurons, et enfin, n’y tenant plus :
– Eh bien, ouvrez-le donc, mort au diable !
Passavant tressaillit, et parut revenir de très loin. Le coffret était fermé à clef, et Saïtano l’avait gardée, cette clef. Tanneguy introduisit la pointe de sa dague dans le joint du couvercle qui bientôt se leva. Le capitaine poussa un cri – un rugissement suivi d’un terrible juron. Passavant ne dit rien. Tous deux, un peu pâles, considéraient avec admiration, presque avec terreur, le contenu de ce coffret.
Il était plein de diamants !…
– Est-ce vrai ? murmura Passavant.
– Est-ce croyable ? fit du Chatel.
Ni l’un ni l’autre n’osait toucher à ces belles choses brillantes. Enfin, le chevalier s’y hasarda et, ayant longuement choisi, prit une bague ornée d’un fort beau diamant. Tanneguy, qui le regardait faire, s’écria :
– Prenez garde, mon jeune ami, prenez garde !…
– À quoi ? fit Passavant étonné.
– Eh ! tout cela vient du sorcier. Cela brûle, peut-être !
– Vous croyez ? dit le chevalier avec un sourire de malice.
– J’en suis sûr. On m’a
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