Jeanne d'Arc Vérités et légendes
résista pas à la
Révolution. La statue de la Pucelle à genoux, cheveux longs, posée au-dessus de
la porte de la maison natale à Domrémy, à la fin du XVI e siècle,
s’inspire de ce type.
Pourtant, les miniaturistes furent nombreux au XV e siècle à représenter Jeanne, qu’ils illustrent les Chroniques du roi
Charles VII, celles de Monstrelet, les Vigiles de Martial
d’Auvergne, en une superbe bande dessinée destinée à l’éducation de
Charles VIII, le Champion des dames de Martin Lefranc ou le Livre des femmes illustres d’Antoine Dufour peint pour la reine Anne de
Bretagne (couverture). Mais il ne s’agit évidemment pas de portraits. D’où
l’importance de l’hypothétique portrait qui figure sur la cheminée du château
de Jaulny et fascine tous les mythographes, depuis que les livres de Gérard
Pesme en ont fait la promotion dans les années 1960. Deux profils, l’un
d’homme, l’autre de femme brune et casquée, se font face et se détachent sur
des mascarons : au-dessus et en dessous des grotesques. Ces portraits
auraient été redécouverts en 1871 sous une couche de plâtre, mais ils
représenteraient Claude et Robert des Armoises, qui auraient été propriétaires
de Jaulny.
C’est une théorie aventureuse, tant du point de vue
historique que du point de vue artistique. Le château appartient en effet aux
seigneurs de Jaulny du XII e au XVI e siècle, jusqu’à la
conversion au protestantisme de Ferry III en 1565. Ses biens sont
confisqués et il s’exile à Bâle où il meurt. Les des Armoises sont de lointains
parents des Jaulny à la suite d’un mariage, au milieu du XV e siècle,
où la dot d’Agnès de Jaulny leur avait apporté quelques terres. Mais le château
appartient toujours à la lignée masculine des Jaulny. Ce n’est qu’en 1597 que
Nicolas des Armoises s’y installe et prête hommage. Claude des Armoises n’a
probablement jamais mis les pieds à Jaulny. Par ailleurs, côté histoire de
l’art, l’usage de mascarons ou de grotesques n’apparaît guère que dans les
années 1500. Ces profils assez médiocres picturalement ont été fortement
retouchés, concèdent les mythographes. Il y a toute chance qu’ils aient été
peints en 1871, comme le pense l’historien Pierre-Gilles Girault [61] Aucune inscription n’identifie
d’ailleurs ces prétendus portraits. Enfin, il faudrait que Claude soit Jeanne,
ce qui n’est pas gagné !
Une excitation du même genre naquit, entre 1991 et 1998,
quand furent découvertes, à l’occasion de travaux de restauration dans la
chapelle de Bermont au-dessus de Domrémy où Jeanne allait prier, deux
silhouettes féminines à genoux aux pieds de saint Thibaut, incontestablement
peintes au XV e siècle. Et si l’une d’entre elles, une jeune fille en
robe sombre, blonde aux yeux bleus, était Jeanne d’Arc ? Ce n’était qu’une
humble donatrice, comme on s’en aperçut assez vite.
… sans tombeau
Jeanne a parlé à trois reprises de sa tombe. À
Crépy-en-Valois, elle dit espérer être un jour ensevelie en cette terre si
fidèle au roi. Mais c’est à Dieu de décider où et quand elle mourra. À un autre
moment, elle parle des prières que le roi doit ordonner pour tous ceux qui sont
morts à la guerre à son service. Enfin, à Rouen, elle prie les juges d’inhumer
son corps ou ce qui en restera dans la terre bénie d’un cimetière. Si elle
était restée simple paysanne, elle aurait dormi aux côtés de ses parents, dans
le cimetière de Domrémy autour de l’église, à proximité de sa maison. Elle
serait morte entourée des siens. Rien de tout cela n’était plus possible
désormais, mais elle espérait que ses cendres reposent dans un cimetière de
Rouen. Un condamné au bûcher n’était pas automatiquement privé de tombeau.
Quand Gilles de Rais mourut en octobre 1440, pendu et brûlé sur la grand-place
de Nantes, les femmes de son lignage enterrèrent ses restes dans le monastère
des Carmes, comme il l’avait souhaité. Ses deux serviteurs furent également
pendus et brûlés vifs, à tel point qu’ils furent réduits en poudre. Leurs
cendres furent jetées au vent. Tel fut le sort de Jeanne.
Les mythographes cherchent donc désespérément soit un
coffret contenant des cendres, s’ils sont bâtardisants, soit, s’ils sont
survivalistes, la tombe de Claude des Armoises. Un coffret aux armes de Jeanne
aurait été trouvé à Fierbois, écrit Caze au début du XIX e
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