Jeanne d'Arc Vérités et légendes
puisse dire, c’est que la
Pucelle de Sermaize, dont le nom de famille rappelait Claude (Sermaize ou Armoises,
c’est la même chose), n’a pas convaincu. « Ne sait si ladite Jehanne était
celle qui accompagna le feu roi Charles à Reims », concluent nos deux
témoins avec prudence. À part un bon repas, la tentative a échoué.
La dernière apparition de Claude (ou d’une autre se prenant
pour elle) date de février 1457. Le roi René accorde son pardon à « Jeanne
de Sermaise », épouse de Jean Douillet, habitant Saumur, qui s’est fait
appeler à tort Jeanne la Pucelle. Le roi de Sicile lui interdit de revendiquer
désormais cette identité et de porter un costume d’homme. S’agit-il de Sermaize
près de Vitry-le-François ou de Sermoise près de Jarzé en Maine-et-Loire ?
Cinq communes en France portent ce nom !
Terminons, comme Pierre-Gilles Girault, par l’avis de Thomas
Basin. Chargé en 1455 de rédiger l’un des mémoires qui servirent à préparer le
procès en nullité, l’évêque de Lisieux oppose la constance de la vraie Jeanne
d’Arc à l’inconstance de celle qui voulut l’imiter, Claude des Armoises :
« C’est pourquoi on a vu la fiction de cette pauvre femme qui s’imaginait
être Jeanne la Pucelle et que celle-ci n’avait pas été brûlée à Rouen mais
quelque autre femme substituée à sa place. Et, parce que c’était une fiction et
une invention humaines, elle ne dura pas mais fut aussitôt découverte. »
Claude était donc probablement une mythomane, utilisée tant qu’on le put,
rejetée par la suite, mais espérant toujours.
En revanche, c’est à coup sûr une autre femme que la Pucelle
du Mans qui entre dans l’histoire en décembre 1460 par une lettre très
favorable que l’évêque Martin Berruyer, qui vient de participer au procès en
nullité, adresse à la reine Marie d’Anjou. Vient d’apparaître dans sa cité une
jeune fille humble et pauvre à qui Dieu parle. Jeanne Marie La Féronne est
épileptique. Entre ses crises, elle appelle à la confession et à la prière.
« Les gens de cette ville avouent des péchés de plus de vingt ou trente
ans. » Les confesseurs n’y suffisent plus. Mais les révélations de
l’inspirée touchent aussi à la politique : maintenant que la guerre est
finie, il faut que le roi diminue les impôts, pour reconnaître les grâces que
Dieu lui a faites. Au printemps de 1461, elle est examinée par l’archevêque de
Tours et le Conseil royal. Mais l’examen lui est défavorable : elle n’est
pas pucelle et les clercs de l’évêque du Mans lui ont soufflé ses réponses.
Elle est mise au pilori, publiquement admonestée et condamnée à sept ans au
pain et à l’eau. Elle les fera. Les chroniqueurs bourguignons sont tout
contents de raconter cette histoire. Au sortir de prison, elle serait devenue,
dit-on, tenancière de bordel. N’est pas Jeanne d’Arc qui veut !
12
À corps perdu : des reliques à l’ADN
Les mythographes sont très sensibles à l’existence ou non
de portraits ou de reliques de Jeanne. Les historiens en revanche savent qu’il
n’y en a pas.
Ayant fait brûler Jeanne publiquement, pour qu’on fût bien
sûr qu’elle était morte, les Anglais n’avaient pas l’intention qu’il restât
quoi que ce soit de ce corps, qu’ils voulaient faire complètement disparaître :
ni cendres, ni os, ni entrailles, ni bois du bûcher qui put en être
imprégné : « On réunit ensemble toutes les cendres provenant tant de
son corps et de ses os que du bois qui l’avait brûlée et le tout fut projeté
dans la Seine du haut du pont. »
Bien des Rouennais présents sur ce pont Mathilde, qui réunit
la vieille ville au faubourg, en furent témoins. Il était quinze heures, le 30
mai 1431. Deux craintes jouèrent alors, qui sont complémentaires : que ces
cendres soient utilisées pour des actes de sorcellerie (qui sait si elles ne
feraient pas fuir les Anglais, elles aussi ?), ou, à l’inverse, que ces
cendres soient utilisées comme reliques et pérennisent le souvenir de Jeanne et
des défaites anglaises.
Pourtant, quand le procès en nullité commence en 1452, trois
ou quatre témoins font savoir que ce corps ne fut pas plus docile dans la mort
qu’il ne l’avait été durant sa vie. Ainsi le notaire Manchon apprit de la
bouche du bourreau que, « quand son corps eut été brûlé par le feu, le
cœur demeurait intact et plein de sang… les cendres et tout ce
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