Jeanne d'Arc Vérités et légendes
l’Egypte ancienne ont été retrouvés, de
même que des pollens de pin et du tissu de lin spécifiques du Moyen-Orient…
Il n’existe donc aucune relique directe de Jeanne d’Arc et
cela n’a d’ailleurs pas grande importance pour l’historien. « Ô Jeanne
sans sépulcre et sans portrait, toi qui savais que la tombe des héros est le
cœur des vivants, peu importent tes vingt mille statues, sans compter celles
des églises : à tout ce pourquoi la France fut aimée, tu as donné ton visage
inconnu » (André Malraux, discours à Rouen, 1964).
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Jeanne, Claude, des femmes hors normes
En dépit de leurs différences, Jeanne d’Arc et Claude des
Armoises ont cherché leur autonomie en outrepassant les limites du modèle
féminin de leur temps. En revanche, les mythographes veulent les y enfermer.
Jeanne et Claude étaient très différentes. L’une ne mangeait
pratiquement pas, l’autre fréquentait avec plaisir les festins et les beuveries
des mercenaires de la noblesse. L’une avait horreur des bals et n’avait plus
fait la ronde autour de l’Arbre aux fées après l’âge de sept ans, l’autre
dansait à perdre haleine. L’une était prophétesse et sans cesse préoccupée de
Dieu ; de la piété de Claude, qui semble être restée dans les normes
communes, nous ne savons rien, en dehors du pèlerinage à Liesse. Jamais elle ne
prétendit, après son séjour à Cologne, pouvoir prédire l’avenir.
Pourtant, elles se ressemblaient physiquement. Toutes deux
aimaient les chevaux et leurs dons de cavalières faisaient l’admiration de tous.
Elles aimaient les belles armes, des épées de Jeanne à la cuirasse offerte à
Claude par le comte de Virnenbourg. Elles étaient solides, énergiques,
charismatiques. Leur parole était séduisante et hardie.
Elles savaient répondre aux questions les plus compliquées
et les plus déstabilisantes.
Et, surtout, elles avaient derrière elles le même type de
parcours. Elles avaient refusé le sort normal des adolescentes paysannes de
leur temps : se marier tôt, avoir beaucoup d’enfants et tenir une maison.
Elles avaient revêtu l’habit d’homme pour courir le vaste monde, y prendre la
parole en public, y faire la guerre et s’y mêler parfois de politique :
toutes ces choses que, normalement, les femmes ne faisaient pas. Les habitudes,
comme les mœurs, s’y opposaient. Et certaines d’entre elles faisaient même
l’objet d’interdictions explicites dans les Écritures. L’une comme l’autre
posent le problème de la marge de manœuvre des femmes [65] dans un monde dominé par les hommes,
mais où Dieu a voulu toutes les âmes égales et asexuées. La guerre ouvrait
alors des espaces de liberté nouveaux. En l’absence des maris ou des pères,
partis guerroyer ou retenus, des années durant, prisonniers en Angleterre,
c’était aux femmes de défendre les châteaux, de gouverner les fiefs ou de
collecter l’argent des rançons. Chacun sait la place privilégiée des veuves
dans le monde médiéval, riches et autonomes. La guerre multiplia les veuvages
provisoires.
Quitter sa famille
Tout commence, pour l’une comme pour l’autre, par une
rupture. Celui ou celle qui sont promis à l’héroïsme ou à la sainteté
commencent toujours par quitter la famille qui les a élevés. Leur choix n’est
pas celui que leurs parents avaient prévu pour eux. En ce sens, aucune sainte,
aucune héroïne ne sont de bonnes filles puisque l’appel auquel elles répondent
les éloigne du cocon familial.
Jeanne était partie de Domrémy au printemps 1429 sans rien
dire à son père et à sa mère, qui n’auraient pas approuvé son projet. Elle
n’avait même pas dit au revoir à son amie Hauviette, qui en pleura beaucoup.
Plus tard, elle leur écrivit pour leur demander pardon et ils lui pardonnèrent,
puisqu’elle revit son père lors du sacre de Reims. Ses frères la suivirent plus
tard.
La rupture de Claude avec sa famille fut plus brutale et
spectaculaire. Elle avait frappé sa mère dans des circonstances que nous
ignorons, et avait dû aller à Rome demander le pardon du pape. Jamais, par la
suite, elle n’eut à ses côtés aucun membre de sa famille. Sa vraie famille
semble être le groupe au sein duquel elle combattait. Qu’elle soit allée voir
sa vieille mère malade à Orléans en 1440 relève de l’imagination des
mythographes. Certes, Isabelle Romée (mère supposée de Claude) était bien à
Orléans en 1440,
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