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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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qui restait
d’elle furent jetés par lui dans la Seine ». Le cœur aussi, en principe,
mais pourquoi ouvrir cette faille ? Le pauvre en était stupéfait, comme
d’un évident « miracle », complète Isembard de la Pierre, qui
accompagna Jeanne au bûcher. Le cœur pur des saints échappe au poison (la carpe
envoyée par Cauchon qui rendit Jeanne malade en aurait été le vecteur), et le
cœur donné à Dieu acquiert une sorte d’incorruptibilité. L’amour divin qui
l’enflamme lui permet d’échapper aux flammes de ce monde. Dans de nombreuses
vies de saints, le martyr meurt, mais son cœur survit parce qu’il est marqué du
nom du Christ : le nom de Jésus serait apparu en effet en lettres d’or
au-dessus du bûcher ! Les juges de 1456 ne cherchaient pas à fabriquer une
sainte, ils ne poursuivirent pas. Mais la légende s’implanta à Rouen. Au XVIII e siècle, on disait que le cœur de Jeanne était toujours là, dans l’un des
couvents mendiants de la ville : chez les carmes ou, plutôt, chez les dominicains
où le bourreau s’était confessé.
     

Un corps si
différent
    Le corps de Jeanne était resté un corps vierge. Cette
virginité avait été vérifiée à Poitiers comme à Rouen. C’est à treize ans qu’elle
avait fait vœu de garder sa virginité, tant qu’il plairait à Dieu. Pas
forcément pour toujours, mais tant que sa mission (bouter les Anglais hors de
France) ne serait pas terminée. Ce vœu l’avait conduite à refuser le jeune
homme présenté par ses parents, et l’officialité de Toul lui avait donné
raison. Sa virginité était à la fois une réalité corporelle et spirituelle. Son
corps était clos, fermé à l’homme comme au péché. Cette fermeture
s’accompagnait d’une limitation des échanges, toujours dangereux, entre ce
corps et l’extérieur. Jeanne n’avait pas de règles, soit qu’elle n’en ait
jamais eu, soit que la vie sportive des camps les ait arrêtées. Les
franciscains pensaient que la Vierge Marie n’en avait jamais eu non plus. Ce
sang qui s’écoulait sans qu’on pût le maîtriser était le signe de l’impureté et
de l’infériorité féminines. De nombreuses autres mystiques du temps
manifestaient elles aussi de cette manière la spiritualisation de leur corps.
Même raréfaction ou quasi-disparition des autres fluides : ni sueur ni
urine : « Jamais elle ne descend de cheval pour les nécessités de la
nature. » En revanche, elle pleure facilement quand ses saintes (les voix)
la quittent ou pour obtenir, agenouillée aux pieds de Charles VII à
Saint-Benoît-sur-Loire, le départ pour Reims. Le don des larmes est, croit-on,
un signe sensible de la grâce de Dieu, une preuve en quelque sorte de la pureté
du corps et du cœur de Jeanne.
    Comme bien d’autres saintes femmes de son temps, Jeanne est
anorexique. Tous ses contemporains ont été frappés du contraste entre son
hyperactivité et le fait qu’elle ne mangeait et ne buvait presque rien :
« Depuis le matin jusqu’au soir, elle avait chevauché toute armée sans
descendre, sans boire et manger. » Pour elle, la nourriture se conjugue au
futur. Elle jeûne en Carême et ajoute volontiers des privations
supplémentaires : « Si je suis libérée, je ne boirai plus jamais de
vin. » Les seules nourritures qu’elle consomme sont fortement
symboliques : de l’eau, du vin, du poisson ou le quignon de pain qu’elle
trempe le soir de l’assaut à Orléans. La seule allusion que nous ayons à une
consommation de viande est un refus. Le veau a été volé et qui mange une
nourriture qui n’a pas été payée au paysan souille sa conscience. La seule
chair que Jeanne consomme à l’envi est celle du Christ sous forme d’hosties. Sa
faim d’hosties dépasse nettement les prescriptions de l’Église. Certes, elle
communie chaque année à Pâques, comme tout fidèle depuis 1215, mais aussi lors
de toutes les grandes fêtes et peut-être même chaque semaine ou deux fois par
semaine selon le duc d’Alençon. Qu’il s’agisse d’une nécessité religieuse
intime ou d’afficher la piété de l’armée royale, Jeanne communie beaucoup plus
que tous les laïcs de son temps. La communion quotidienne est encore réservée
aux prêtres et aux moines bénédictins.
    Cette virginité qu’il faut conserver, au milieu de la vie
des camps, lui a servi à prouver sa vocation de prophétesse. Mais elle est
aussi liée au don de force. C’est parce qu’elle est

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