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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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armées.
Globalement, ce monde où l’avancement à l’ancienneté n’existait pas est bien
plus jeune que le nôtre.
    Le mythe de Jeanne compte classiquement beaucoup de
mauvaises femmes (à commencer par la reine Isabeau) et peu de bonnes. Encore
celles-ci sont-elles surtout des veuves et des mères, comme la reine Yolande.
Les femmes du XIX e siècle, comme celles du XV e , sont
toujours définies essentiellement par leur sexualité. Même celle de Jeanne ne
serait pas trop claire, suggèrent certains mythographes. Et, comme toutes les
femmes, la Pucelle serait coquette. Les mythographes sortent alors un argument
assez drôle : la robe taillée en juin 1429 à Orléans dont nous possédons
le devis. « On sait, écrit l’un d’eux, ce que la Pucelle a choisi :
une fine laine de Bruxelles vermeille pour la robe, une autre verte pour la
huque, des doublures en satin blanc, des broderies d’orties », soit
13 écus d’or. « Contrairement à l’image qu’on a voulu donner d’elle,
Jeanne aime le luxe et les choses raffinées [68] … » Peut-être, mais il s’agit ici
d’un vêtement masculin, une livrée aux couleurs de la famille d’Orléans et à
ses emblèmes (les orties). Le prince en a choisi les couleurs et les tissus.
Les arborer ou non est un problème de politique et non de coquetterie
féminine !
    Toutes les femmes rêveraient, imaginent encore nos
mythographes, d’un mari, d’une famille de deux enfants, d’un château à la
campagne (Jaulny si possible), d’une vie de bonnes œuvres et à la fin d’une
tombe dans l’église paroissiale. Claude des Armoises a refusé, en fait, de
suivre ce chemin. Et il est bien difficile de faire entrer une fille
extraordinaire et dérangeante comme Jeanne dans le moule de la condition
féminine du XIX e siècle, encore plus restrictive que celle du XV e siècle !
    Jeanne était fille du peuple. Mais les mythographes ne
croient ni aux capacités ni aux rêves des filles du peuple. Elle fut
extrêmement populaire. Autour d’elle se pressaient les bourgeois, les artisans
comme les humbles paysans. En 1456, ils racontaient encore avec ferveur son
enfance ou sa mort. Les mythographes ne veulent pas de ces témoins-là tous très
favorables à Jeanne. « Il y a aussi beaucoup de pauvres gens qui n’ont pas
bien compris ce qu’on leur demandait [69] . »
Quant à moi, je me refuse à croire que les humbles soient obligatoirement des
imbéciles.
    Or Jeanne réunissait tous ces handicaps. Parce qu’elle était
jeune, parce qu’elle était femme et issue du peuple, les mythographes du XIX e siècle lui contestèrent et sa vie et sa mort. Sous des apparences séduisantes,
le mythe est infiniment conservateur.
     

La théorie du
complot
    C’est l’instrument à la mode qui permet aux mythographes
contemporains de fournir des réponses simples et apparemment évidentes à toutes
les interrogations que suscite toujours la vie de Jeanne [70] . La thèse est posée dès la
préface : « Jeanne faisait partie d’un plan mûrement réfléchi qui
relevait de la haute politique plutôt que des hauteurs célestes [71]  » Ce complot aurait deux têtes,
l’une politique, Yolande d’Aragon, et l’autre religieuse, Colette de Corbie, assistée
par l’ordre franciscain. Les Bourguignons, pourtant bien renseignés, n’en ont
jamais su autant et ne croyaient qu’à une manipulation armagnac ponctuelle et
locale !
    Avec les mythographes, l’échelle change. Derrière toute
réalité, et même dans les plus infimes détails de celle-ci, se cacheraient des
réseaux souterrains qui ne viseraient qu’à accroître leur influence. Les
franciscains (à une autre époque, l’Opus Dei ou les jésuites auraient tout
aussi bien pu faire l’affaire) seraient à l’œuvre dès la naissance de Jeanne.
Ils organiseraient son apparition puis ses victoires. Reste à expliquer
pourquoi Yolande ne se soucie nullement de la capture de Jeanne et pourquoi il
y a des franciscains parmi les juges de Rouen.
    L’Église n’est certes pas mise directement en cause pour le
XV e siècle. Les divisions entre pape et concile sont patentes et
c’est un tribunal d’inquisition qui a condamné Jeanne. Mais, par la suite,
c’est elle qui organiserait le mensonge et s’emploierait à cacher la vérité sur
Jeanne. Elle cacherait dans les armoires de fer du Vatican le fameux
« livre de Poitiers » qui permettrait aux bâtardisants de prouver
l’origine royale de la

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