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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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minorité, les Girondins, avec l’appoint considérable des royalistes, formaient une majorité écrasante qui avait son armée   ; la garde nationale, dont presque toutes les sections étaient commandées par des officiers, fils de famille comme Étienne Leroyer, lesquels n’étaient que les instruments dociles et souples de sergents comme celui qui venait de forcer Balandrin à quitter sa compagnie. D’autres villes en France   : Bordeaux, Nantes, Caen, Rouen, Marseille, Poitiers, Angers, présentaient le même esprit politique   ; les Girondins y exploitaient l’esprit d’indépendance séparatiste qui a toujours fait le fond des aspirations des grandes communes   : ils donnaient satisfaction à cet esprit en promettant d’établir le système fédéraliste qui aurait constitué chaque grande ville capitale d’un État provincial s’administrant en toute liberté   : la jalousie, la haine même des grandes villes contre Paris fermentait, partout exploitée par les Girondins, en apparence au profit de leurs idées modérées et de leur système de tolérance, mais en réalité au profit des royalistes et de leurs complices.
    La porte s’ouvrit   : un serviteur affidé de la maison Leroyer reçut la baronne et le lieutenant à l’aspect duquel il manifesta un certain étonnement.
    – Jean, dit l’officier au vieux domestique qui l’avait bercé tout enfant dans ses bras, allez dire, je vous prie, à mon père, que je lui amène la personne qu’il attend.
    – Madame   ? demanda Jean.
    – Oui, madame.
    Jean examina la personne   : un seul coup d’œil lui suffit pour se convaincre que ce n’était pas une ouvrière. Un second coup d’œil lui démontra péremptoirement que ce n’était point non plus une vulgaire intrigante. Fort de ses remarques, Jean salua avec le plus profond respect d’un serviteur bien appris et il dit   :
    – Si madame veut attendre dans le petit salon, je vais prévenir monsieur qui est en affaires et qui s’empressera de se mettre aux ordres de madame, aussitôt qu’il le pourra.
    Jean ouvrit la porte du petit salon, et, l’échine courbée en deux, laissa passer son jeune maître et la baronne referma la porte et courut avertir M. Leroyer.
    – Mes compliments, disait la baronne en examinant le salon qui était meublé avec goût, voilà un domestique dressé et une décoration drapée de main de maître.
    – De maîtresse, madame la baronne, de maîtresse   ! se hâta de rectifier Étienne.
    – Ah, c’est à M me  votre mère que vous devez la parfaite éducation de ce serviteur et cette tenture élégante.
    – Oui, madame, maître Jean est entré à la maison le jour où ma mère a épousé mon père. C’était un des hommes de livrée de la famille d’Étioles, dont ma mère est issue.
    – Je comprends, dit la baronne, qui devina tout l’intérieur Leroyer.
    Une d’Étioles, famille noble, mais de noblesse de robe, famille de juges et de prêtres, avait été sacrifiée à quelques combinaisons financières et donnée à un Leroyer. Et voilà pourquoi ce Leroyer était devenu royaliste. Il s’agitait, cet homme, dans le tourbillon d’intrigues qui l’enlaçait et sa femme le menait. La baronne nota ce détail.
    Monsieur Leroyer accourut. C’était le type du vieux bourgeois lyonnais. Boutonné au moral et au physique jusqu’au menton, raide, compassé, calculant et pesant tout au point de vue du rapport, hommes, faits, choses, gestes et paroles, se trompant souvent parce que c’était une cervelle étroite, mais laissant sa femme rectifier ses impressions. Ce Leroyer, qui avait toutes les apparences d’un homme remarquable et qui s’était fait un aspect, composé un maintien par une pose continuelle devenue seconde nature, ce Leroyer était une parfaite nullité, déguisée sous un vernis de politesse froide et solennelle   : ne pouvant lui donner autre chose, sa femme lui avait donné un extérieur. Du reste, plein de morgue, gonflé de sa fortune, d’une avarice et d’une rigueur dont l’intelligente influence de sa femme corrigeait seule l’âpreté, Leroyer était rude à l’intérieur, hautain avec ses égaux et plein d’égards pour ses supérieurs. Personne n’excellait comme lui à se mettre à plat ventre devant un supérieur, tout en sauvant les apparences de la dignité.
    Et hypocrite   ! D’une bonne hypocrisie bien fermée, bien cadenassée, bien verrouillée, qui mure le coin secret des vices, qui

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