La Bataillon de la Croix-Rousse
avons dit pourquoi, Dubois-Crancé avait pris Lyon en haine parce que Lyon avait repoussé plus de vingt tentatives de réconciliation il nourrissait, d’autre part, une rancune féroce contre Couthon.
Par dépit, par jalousie, par vengeance, Dubois-Crancé, l’homme qui avait tout fait pour que Lyon traitât de sa reddition à de bonnes conditions, devint son ennemi implacable.
Couthon était devenu clément, Dubois-Crancé se fit féroce.
Il finit par l’emporter et par faire partager ses fureurs à la Convention.
« Dubois-Crancé et Gauthier, dit Louis Blanc, qui, quoique frappés d’un décret de rappel, avaient sollicité et obtenu d’entrer à Lyon, n’appartenaient pas, comme Couthon, au parti des gens de la haute main : ils relevaient du parti des gens révolutionnaires, ils suivaient la bannière portée dans le Comité de Salut public par le sombre Billaud-Varenne, par le frénétique Collot-d’Herbois, et par ce Barère que sa pusillanimité même asservissait aux violents. »
La grande modération de Couthon leur déplut.
Ils lui reprochaient, d’ailleurs, dans le secret de leur cœur, la place qu’au dernier moment il était venu prendre dans la victoire.
Ils s’étudièrent donc à le décrier, mais sourdement et sans affronter son influence.
Soutenus par Javogue, homme de la trempe de Collot-d’Herbois, ils commencèrent à insinuer que la fuite de Précy et de ses complices était due aux ménagements de Couthon ; ils firent remarquer que la cohorte des rebelles était sortie par l’endroit le plus favorable à son dessein, le faubourg de Vaise ; ils parurent étonnés de la lenteur mise à désarmer la population, attribuant à cette lenteur la perte de trente mille fusils pour la République : ils trouvèrent mauvais qu’en entrant à Lyon, Couthon ne se fût pas entouré d’un appareil militaire et n’eût pas montré ce visage sévère qui convient au représentant d’une grande nation outragée. Ils cherchèrent enfin à se créer un parti parmi les membres de l’ancienne municipalité, ceux de l’ancien club central et quelques chefs de l’armée.
Informé de ces manœuvres, Couthon les dénonça à la Convention, mais, avant même que sa lettre fût parvenue à l’Assemblée, Robespierre et Saint-Just avaient arraché au Comité de Salut public un arrêté qui changeait le rappel de Dubois-Crancé et de Gauthier en un ordre formel de les appréhender au corps et de les amener à Paris, ordre rigoureux à l’excès, que la Convention révoqua presque aussitôt après l’avoir sanctionné.
Par suite de ce revirement, Couthon était menacé, vaincu déjà.
Si le décret fut rapporté, si Dubois-Crancé triompha, c’est que, dans le sein du Comité de Salut public, les gens révolutionnaires, c’est-à-dire les violents trouvèrent l’appui des gens d’examen contre les gens de haute main, c’est-à-dire contre Robespierre et Saint-Just.
À partir de ce moment, Couthon ne fut pas libre.
Les violents triomphèrent donc. Ils firent rendre contre Lyon un décret d’extermination.
« Ce fut, dit Louis Blanc, sur un rapport présenté par Barère au nom du Comité de Salut public, que la Convention rendit, le 12 octobre, le décret le plus terrible dont il soit fait mention dans l’histoire. »
En recevant ce décret, quelle fut l’attitude de Couthon ? Désobéir aux ordres de la Convention en biaisant avec ces injonctions terribles, en disant oui, en faisant non, c’était risquer sa tête.
Couthon l’osa.
Lorsque le décret lui parvint, Couthon, le désapprouvant, pouvait se démettre et se faire rappeler sous le prétexte très plausible d’infirmités trop constatées.
Mais il voulait sauver Lyon, et il essaya de louvoyer.
Il fit semblant d’entrer dans cet esprit de vengeance qui animait l’assemblée.
Il poussa le désir de protéger Lyon jusqu’à l’hypocrisie.
Il écrivit une lettre qu’on lui a reprochée.
Cette lettre masquait sa pensée et il ne faut juger de sa clémence que par les actes.
Voici comment Louis Blanc juge cette lettre et la conduite de Couthon en cette circonstance.
Il est plus sévère que nous.
« La popularité, dit Louis Blanc, est loin de valoir ce qu’elle coûte, lorsque, pour l’obtenir ou la conserver, il faut mentir aux autres et mentir à soi-même. Couthon n’entendait certainement pas servir d’instrument à la rage de Lyon ; et pourtant la crainte pusillanime de paraître
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