La Bataillon de la Croix-Rousse
officiel présenté à l’autorité par les délégués aux inhumations donne une idée de l’aspect de la place :
« Le sang répandu sur le sol, dit le rapport, et sur toutes les planches de l’instrument des vengeances nationales, exhale des miasmes que quelques degrés de chaleur de plus pouvaient rendre contagieux. On a lavé les parois intérieures et extérieures avec du lait de chaux. On a fait pomper le sang en stagnation par du gravier frais qui a été enlevé de suite et remplacé. On a réglé que les mêmes opérations seraient faites toutes les fois que le glaive aurait frappé quelque coupable. L’exécution de ces mesures est aux frais de la municipalité de la commune affranchie. »
« Les suppliciés, dit Lamartine, étaient presque tous la fleur de la jeunesse de Lyon et des contrées voisines. Leur âge était leur crime. Il les rendait suspects d’avoir combattu. Ils marchaient à la mort, avec l’élan de la jeunesse, comme ils auraient marché au combat, dans les prisons, comme dans les bivouacs la veille des batailles, ils n’avaient qu’une poignée de paille par homme pour reposer leurs membres sur les dalles des cachots. Le danger de se compromettre en s’intéressant à leur sort et de mourir avec eux, n’intimidait pas la tendresse de leurs parents, de leurs amis, de leurs serviteurs. Nuit et jour des attroupements de femmes, de mères, de sœurs, rôdaient autour des prisons. L’or et les larmes qui coulaient dans les mains des geôliers arrachaient des entrevues, des entretiens, des adieux suprêmes.
« Des femmes pieuses achetaient des administrateurs et des geôliers la permission de se faire les servantes des cachots. Elles y portaient les messages, elles y introduisaient les prêtres pour consoler les âmes et sanctifier le martyr. Elles purifiaient les dortoirs, balayaient les salles, nettoyaient les vêtements de la vermine, ensevelissaient les cadavres : providences visibles qui s’interposaient jusqu’à la dernière heure entre l’âme des prisonniers et la mort.
« Plus de six mille détenus séjournaient à la fois dans ces entrepôts de la guillotine.
« Les juges étaient presque tous étrangers, pour qu’aucune responsabilité future n’intimidât leur arrêt. Ces cinq juges, dont chacun pris à part avait un cœur d’homme, jugeaient ensemble, comme un instrument mécanique de meurtre. Observés par une foule ombrageuse, ils tremblaient eux-mêmes sous la terreur dont ils frappaient les autres. Leur activité cependant ne suffisait plus à Fouché et à Collot-d’Herbois. Ces représentants avaient promis aux Jacobins de Paris des prodiges de rigueur. La lenteur du jugement et du supplice les faisait accuser de demi-mesures. »
Les représentants prirent alors une terrible résolution qui leur fut suggérée par Darfeuille.
Ce Darfeuille fut le vampire de Lyon ! il trouva une idée horrible, un plan d’exécution en masse par la fusillade.
« Les représentants, dit Lamartine, ratifièrent les plans de Darfeuille et le supplice en masse remplaça le supplice individuel. »
Déjà de nombreuses exécutions par la fusillade avaient eu lieu sur la place des Terreaux, lorsque, sur une réclamation des habitants, dont quelques-uns avaient été blessés par les balles, il fut décidé que les fusillades auraient lieu aux Brotteaux.
L’on y envoya la jeunesse de Lyon mourir par fournées.
Soldats, oui ! Bourreaux, non !
On sait qu’un certain nombre de dragons avaient été désignés pour servir d’escorte aux condamnés.
Sur l’ordre de Darfeuille, ils avaient dû charger et achever les blessés.
« Le colonel de ce régiment de dragons, dit le baron Raverat, le 9 e , ci-devant Lorraine, le comte de Beaumont de la Ronninière, s’indigna du rôle affreux que l’on faisait jouer à ses soldats ; il en témoigna son mécontentement à Collot-d’Herbois de la manière la plus énergique ; mais le féroce représentant du peuple répondit au colonel par un ordre de le faire arrêter, M. de Beaumont le fut en effet et renfermé aux Recluses.
« Le 9 e , dragon prit aussitôt les armes pour obtenir la liberté de son colonel : la révolte du régiment fut appuyée par les volontaires de l’Aude qui étaient casernés dans l’ancienne abbaye des Dames de Saint-Pierre, et l’armée révolutionnaire fut mise en mouvement pour apaiser la sédition. La place des Terreaux, ce jour-là, fut couverte de
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