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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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déchaînait sous son crâne, ses yeux étaient jaunis par la bile, ses joues s’étaient creusées et la face cave avait une apparence cadavérique.
    À le voir, on aurait dit le fantôme vivant du fanatisme humilié et vaincu.
    Derrière lui, la Ficelle, avec sa tête de loustic parisien, souriait agréablement à ses ennemis, formant un singulier contraste avec son chef.
    Il semblait dire   : – Voyons, citoyens, nous sommes aplatis   ; soyez généreux.
    Mais Lyon n’est pas Paris.
    Lyon ne plaisante pas volontiers.
    Lyon ne se laisse pas désarmer par une risette.
    Dès que Châlier et les siens furent engagés entre les deux haies et que toute la troupe des carmagnoles fut dans ce défilé hérissé de baïonnettes, une compagnie se massa brusquement, « croisant-elle », comme on dit sur le Champ-de-Mars, et elle arrêta net la marche des carmagnoles.
    Puis, derrière ceux-ci, le piquet qui les suivait barra le chemin, si bien que la troupe de Châlier fut littéralement encadrée.
    Il y eut un moment de silence lourd, pendant lequel on n’entendit que les sons aigus du fifre de la baronne jouant l’air de menuet   :
    Me voilà pris dans vos filets.
    Sur un signe de l’abbé Roubiès, Madinier s’avança et d’une voix forte il s’écria   :
    – Bas les armes et la vie sauve   ! Pas un mouvement   ! sinon… la mort   !
    Les carmagnoles, imitant l’exemple de la Ficelle, qui, comme chef, crut devoir s’exécuter le premier, tendirent leurs fusils, leurs sabres, leurs pistolets aux gardes nationaux, ceux-ci s’emparèrent aussi du canon.
    Pas un cri   !
    D’un côté, la peur d’être massacrés après le désarmement   : de l’autre, une résolution farouche de tuer si les carmagnoles faisaient résistance.
    Châlier, sortant comme d’un rêve, leva les yeux, vit les siens réduits à l’impuissance et il porta vivement la main à son pistolet qu’il arma.
    Voulait-il tuer Madinier, comme on l’a supposé   ?
    Il est bien plus probable qu’il allait se suicider, revenant à sa première résolution.
    Mais un coup de canne sur son poignet lui fit lâcher l’arme qui tomba à terre.
    C’était le marquis qui avait frappé Châlier avec sa badine qui, très légère en apparence, était en réalité une tige d’acier peinte en roseau.
    – Ne jouez donc pas avec les armes à feu, mon ami, ça brûle   ! dit le marquis.
    Un incident prévu par M. Suberville, se réalisa.
    Châlier frappé poussa un cri terrible   : ses nerfs crispés se tendirent, ils se débattit dans des convulsions effrayantes et tomba dans une attaque d’épilepsie qui contracta horriblement ses membres.
    – Vous voyez   ! dit alors l’abbé profitant de l’incident, c’est un démoniaque, un possédé.
    Et, sur l’ordre de l’abbé, on se procura un brancard, sur lequel le malheureux Châlier fut placé.
    Il continuait à écumer et à râler, son corps ressemblait à celui d’un ver qui se débat sous un pied brutal.
    À cette époque, on croyait encore à Dieu, au diable, aux exorcismes, aux possédés.
    L’abbé Roubiès voulut exploiter cette attaque qui mettait son adversaire dans un état aussi épouvantable.
    Il fit signe à un garde national d’une superbe prestance et d’un aspect majestueux   : c’était un suisse d’église.
    L’abbé lui parla à l’oreille.
    Le suisse abandonna son fusil, prit une épée nue, empruntée à un officier et se plaça devant le brancard.
    Alors, après que la double haie fut reformée et que le passage fut redevenu libre, l’abbé Roubiès cria d’une voix retentissante   :
    – Il faut faire passer ces misérables sous les fourches caudines   ! Haut les baïonnettes, citoyens, et formez la voûte d’acier   !
    L’idée fut acceptée avec enthousiasme et les fusils furent tendus à bout de bras, les pointes des baïonnettes penchées les unes vers les autres.
    La scène prit un caractère imposant et solennel.
    – Allez   ! dit l’abbé.
    Alors, levant son épée, et, montrant Châlier sur son brancard, le suisse faisant fonction de héraut, cria, d’après les instructions de l’abbé   :
    – Laissez passer la justice de Dieu.
    Et le cortège se mit en marche.
    Le marquis de Presle avait pris une ingénieuse initiative.
    Il avait lancé quelques affidés en avant.
    Ces hommes recommandaient d’imiter la manœuvre des compagnies précédentes et ils annonçaient que Châlier venait d’être excommunié par un prêtre

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