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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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et les mégères dansaient des farandoles en criant à tue-tête   :
    Saute… Saute… Saute… Mouche.
    L’esprit de parti s’empara ce jour-là de Lyon à ce point que les femmes de la bourgeoisie, même de la haute bourgeoisie, sortirent de cette réserve un peu prude que l’hypocrisie des mœurs lyonnaises leur imposait alors comme aujourd’hui.
    Elles se laissèrent entraîner par la haine jusqu’à se joindre, du moins sur le passage du défilé, aux bandes de blanchisseuses dévergondées que menait M me  Adolphe et qui faisaient le sabbat autour des civières.
    Les femmes bien élevées trouvaient des mots orduriers pour les lancer à ces ivrognes et des gestes de Messaline pour les conspuer.
    C’était un déchaînement affreux qui soulevait le cœur.
    Pour prolonger la scène, les mégères faisaient des poses fréquentes et multipliaient les sarabandes autour des civières.
    Enfin épuisées, échevelées, haletantes, ces harpies arrivèrent devant la mairie.
    Là, une députation de la garde nationale, le lieutenant Leroyer en tête, vint prier les municipaux de recevoir leur collègue Sautemouche.
    Les autres de la minorité, les Girondins, s’écriaient que Sautemouche les avait déshonorés   ; quelques-uns riaient de bon cœur et se tenaient pour ravis de cette aventure.
    Dehors on criait   :
    – Les… cipaux   ! Aux fenêtres les… cipaux.
    Étienne se contentait de demander un reçu.
    Un conseiller de la minorité le lui donna, libellé comme l’exigeait le lieutenant, conseillé par Roubiès.
    « Reçu des mains de la garde nationale de Lyon, le citoyen Sautemouche et douze Jacobins ivres-morts ».
    Étienne triomphant ouvrit une fenêtre et les clameurs cessèrent.
    Il lut le reçu.
    On applaudit à outrance, un hourra immense retentit, on cria   :
    – Vive le lieutenant   ! à bas les… cipaux   ! Mort aux Jacobins   !
    Mais presqu’aussitôt un grand cri éclata   :
    – Vive la République   !
    La majorité était républicaine et prouvait qu’elle l’était.
    Le marquis de Tresmes se pencha à l’oreille de l’abbé et lui dit   :
    – Diable   ! qu’en pensez-vous   ! Ils ont l’air d’en tenir pour la République.
    – Oui pour la République modérée… dit l’abbé. Et quand le moment sera venu, ils seront bien forcés de tourner à la monarchie et de reconnaître le roi que les armées vendéennes, aidées par l’Europe en armes, auront imposée aux Parisiens.
    Puis il dit autour de lui   :
    – C’est assez pour aujourd’hui.
    Aussitôt Madinier, suivi d’Étienne, fit sur le perron un discours pour engager la garde nationale à se retirer, satisfaite d’avoir rempli son devoir   ; mais il l’engagea à se tenir toujours prête pour s’opposer aux violences des Jacobins, s’ils osaient recommencer leurs attentats.
    La garde nationale de Lyon avait une force énorme   : la discipline.
    Cette bourgeoisie sentait le besoin de l’union et de l’obéissance   ; elle eut le tort de laisser les royalistes profiter de ses instincts sages et du besoin d’ordre qui lui mettaient les armes à la main.
    À la voix autorisée de Madinier, les officiers firent faire demi-tour à leurs bataillons.
    En un instant, la place fut évacuée même par les mégères, car les danses de ces sauvages tournaient à la bacchanale.
    Étienne envoya sa compagnie balayer cette tourbe.
    Et, comme M me  Adolphe se montrait récalcitrante, il la fit enlever par un piquet de quatre hommes.
    C’est ainsi qu’on la ramena prisonnière à la maison où force fut de l’enfermer dans le petit caveau transformé en cachot pour cette furie.
    On ne la lâcha qu’au bout de deux heures, quand son accès d’hystérie fut passé.
    Les prétendus ivrognes, abandonnés sur les civières, furent transportés chez eux par leurs amis.
    Les Auvergnats transformés en Carmagnoles ne comprirent rien à cette mascarade, sinon qu’ils avaient chacun un écu en poche, explication muette mais significative dont ils se contentèrent.
    Châlier, soigné par son médecin, sortit de sa terrible crise   ; mais il en conserva un tremblement nerveux et un certain trouble intellectuel.
    Après de tels outrages, quoi d’étonnant qu’il fut atteint de démence sanguinaire   ?
    L’abbé s’y attendait bien, car il réunit son conseil.
    – Messieurs, dit-il aux conjurés, le gant est jeté. Ou Châlier nous guillotinera ou nous guillotinerons Châlier, à moins que quelqu’un ne

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